Karel Huybrechts pour
Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2023 11 15/ Série V/

Plus de 130 responsables internationaux sont donc réunis à Pékin pour la troisième édition des Nouvelles Routes de la Soie, l’initiative de développement lancée par Xi Jinping il y a dix ans. Alors qualifié de « chantier du siècle » par le président chinois.

Conçu initialement comme un vaste projet d’infrastructures physiques, les Nouvelles Routes de la Soie visent à relier la Chine aux quatre coins de la planète via un vaste réseau de ports, d’aéroports, de routes, de chemins de fer et de centrales énergétiques pour intensifier les échanges commerciaux. L’un des principaux objectifs au moment du lancement du projet était d’offrir à l’industrie chinoise – et notamment au secteur de la construction – des débouchés pour écouler ses surplus de production.

DE CE POINT DE VUE, LE PROJET EST UNE REUSSITE,

Estime Ammar Malik, chercheur auprès de l’institut AidData spécialisé dans les études de développement.

En dix ans, la Chine a investi plus de mille milliards de francs auprès de ses partenaires, essentiellement sous forme de prêts. Plus de 3000 projets ont été lancés en une décennie. De nombreux pays pauvres ont bénéficié de l’initiative et de ses crédits, accédant à des infrastructures longtemps hors de portée. « Pékin a livré ses projets sans précondition, avec une évaluation minimale des risques, ce que les pays occidentaux n’ont jamais voulu faire. Ce non-interventionnisme politique ou dans le champs des valeurs a permis à la Chine de marquer des points et de renforcer son influence dans de nombreux pays », souligne Ammar Malik.

PEKIN A LIVRE SES PROJETS SANS PRECONDITION, AVEC UNE EVALUATION MINIMALE DES RISQUES, CE QUE LES PAYS OCCIDENTAUX N’ONT JAMAIS VOULU FAIRE

Ammar Malik est un chercheur auprès de l’institut AidData spécialisé dans les études de développement.
Sans la Suisse

Des pays à revenus modestes conviés à Pékin à l’heure où de nombreux Etats occidentaux n’ont pas été formellement invités.

Entre-temps, les relations entre la Chine de Xi Jinping et l’Occident en général se sont refroidies. « Les autorités chinoises considèrent les démocraties libérales comme une cause perdue. Elles préfèrent recentrer leurs efforts vers les régions du monde où elles savent qu’elles peuvent compter sur leur influence, soit ce que la Chine appelle le ‘Sud Global' », explique Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales.

AVEC VLADIMIR POUTINE

Premier grand évènement de portée internationale organisé par la Chine depuis la réouverture de ses frontières à la suite de l’abandon de sa politique zéro-Covid, le troisième Forum des Nouvelles Routes de la Soie se distingue donc par les absents, mais aussi par les participants.

Parmi les 130 représentants internationaux présents figure Vladimir Poutine. Il s’agit de l’un des tout premiers déplacements à l’étranger du président russe depuis que la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt à son encontre en mars. La Chine n’est pas membre de la Cour.


Bien que la Russie n’ait pas officiellement adhéré à l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, la présence de Vladimir Poutine au Forum éponyme traduit la volonté des Chinois d’instrumentaliser l’évènement pour y promouvoir leur vision du monde.

Xi Jinping met en avant une conception multipolaire visant à donner plus d’autonomie au Sud hors du carcan des normes internationales telles qu’établies à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Une manière de repenser le projet des Nouvelles Routes de la Soie en des termes plus politiques.

VIRAGE OPERE

Dans un rapport officiel publié la semaine dernière, le gouvernement chinois appelle à une « croissance de haute qualité ». Il souligne la nécessité d’imposer des standards élevés aux concepteurs de projets à l’étranger.

Si la Chine n’est pas près d’enterrer les Nouvelles Routes de la Soie, elle opère un virage pour privilégier des thèmes tels que la sécurité alimentaire, les maladies infectieuses, la digitalisation ou encore l’intelligence artificielle.

Sous la conduite de Xi Jinping, Pékin est plus que jamais déterminée à se poser en leader du Sud en continuant à proposer une alternative aux Etats-Unis et aux démocraties occidentales, sur le déclin selon elle.

L’invitation de Vladimir Poutine et l’accent particulier mis sur les pays en voie de développement lors du Forum des Nouvelles Routes de la Soie traduit l’ambition chinoise: démontrer un point de vue plus attractif que celui de Bruxelles et Washington pour, finalement, promouvoir un nouvel ordre mondial.

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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