Edité par Luc MICHEL
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2023 10 /

Nucléaire civil:
la Russie multiplie ses projets en Afrique

Avant l’accord malien, des nouvelles émergent concernant un projet similaire au Burkina Faso. Rosatom a dévoilé ses plans pour construire une centrale nucléaire en collaboration avec le gouvernement burkinabé. Le ministre de l’Énergie du Burkina Faso, Simon-Pierre Boussim, a mis en avant les avantages multifacettes de ce partenariat.

L’AFRIQUE, A L’AUBE D’UNE REVOLUTION ENERGETIQUE

, attire l’attention de la Russie, qui intensifie ses efforts pour renforcer sa présence dans le secteur nucléaire du continent. L’agence russe de l’énergie atomique, Rosatom, vient de conclure un accord avec le Mali pour développer l’infrastructure nucléaire civile du pays. Cette initiative, qui vise notamment à former du personnel, à établir des installations de recherche nucléaire et à sensibiliser le public à l’énergie atomique, souligne l’engagement croissant de la Russie sur le continent africain.

D’AUTRES PAYS SUR LA LISTE

Avant l’accord malien, des nouvelles émergent concernant un projet similaire au Burkina Faso. Rosatom a dévoilé ses plans pour construire une centrale nucléaire en collaboration avec le gouvernement burkinabé. Le ministre de l’Énergie du Burkina Faso, Simon-Pierre Boussim, a mis en avant les avantages multifacettes de ce partenariat. Il a insisté notamment sur la capacité de répondre aux besoins croissants de la population en matière d’industrie, de médecine, d’agriculture et de sécurité. Ces initiatives renforcent la position stratégique de la Russie en Afrique, particulièrement après le début des tensions en Ukraine en 2022.

L’Ouganda, quant à lui, est sur le point de connaître une transformation majeure dans son paysage énergétique. Le président Yoweri Museveni a confirmé que l’Ouganda collaborerait avec la Russie et la Corée du Sud pour construire deux centrales nucléaires massives. Ces installations, dont la capacité combinée atteint 15 600 mégawatts, marquent une étape significative dans les ambitions énergétiques de l’Ouganda.

DES RESERVES CONSEQUENTES D’URANIUM

En outre, il est essentiel de noter que l’Afrique possède d’énormes réserves d’uranium, un élément crucial pour la production d’énergie nucléaire. Des pays comme le Niger et la Namibie figurent parmi les principaux producteurs mondiaux. L’uranium, surnommé le « charbon du XXIe siècle », pourrait redéfinir la manière dont l’Afrique répond à ses besoins énergétiques croissants, tout en contribuant à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique.

LE MAGHREB N’EST PAS EN RESTE DANS CETTE COURSE A L’ENERGIE NUCLEAIRE.

Le Maroc, doté de vastes réserves d’uranium contenues dans ses phosphates, explore la possibilité de collaborer avec Rosatom. Cette collaboration pourrait non seulement répondre aux besoins croissants en électricité du Maroc, mais aussi offrir des solutions innovantes pour des projets de dessalement, répondant ainsi à la grave pénurie d’eau du pays.

Alors que Rosatom établit des partenariats à travers le continent, il est évident que la Russie a l’intention de renforcer ses liens diplomatiques, sécuritaires et économiques avec l’Afrique en pleine tension avec les occidentaux. En établissant des partenariats dans des domaines aussi vitaux que l’énergie nucléaire, la Russie s’affirme comme un acteur majeur, influençant le futur énergétique de l’Afrique.

L’intérêt croissant de la Russie pour le secteur nucléaire africain est un signe de l’évolution des dynamiques géopolitiques et énergétiques mondiales. Alors que l’Afrique s’efforce de répondre à ses besoins énergétiques croissants et de s’engager dans la transition énergétique, les initiatives de la Russie pourraient bien définir le paysage énergétique du continent pour les décennies à venir.

Du Burkina Faso à l’Égypte, quelle influence russe en Afrique ?

L’agence nucléaire russe Rosatom a signé un accord de construction d’une centrale nucléaire au Burkina Faso vendredi 13 octobre, en plus d’annoncer le même jour un accord de coopération pour développer le nucléaire civil au Mali. Cette stratégie économique de la Russie permet au pays de développer son influence sur le continent. Cette opportunité pour l’Afrique est aussi un rêve pour l’instant inaccessible.

Un accord de construction d’une centrale au Nigeria en 2017, un accord sur le nucléaire civil au Soudan en 2018, un projet de centre de recherche sur le nucléaire au Rwanda en 2019, etc. En l’espace de quelques années, l’agence nucléaire russe Rosatom a noué des partenariats nucléaires avec une dizaine de pays africains. L’Égypte est le plus avancé d’entre eux avec un accord signé en 2015 et une livraison de 4 réacteurs nucléaires prévus pour 2026 dans la commune d’El-Dabaa, à 300 kilomètres du Caire.

Lorsque la mise en service sera effective, ce pays d’Afrique du Nord deviendra le deuxième Etat du continent à posséder une centrale. Seule l’Afrique du Sud en a une depuis 1984 et elle est opérée par la société nationale locale Eskom.

Burkina Faso vendredi 13 octobre par la Russie est une opportunité, explique Emmanuelle Galichet. Les deux pays ont signé un mémorandum à l’occasion de la Semaine russe de l’énergie qui se tenait à Moscou du 11 au 13 octobre. L’enseignante-chercheure en physique nucléaire au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris poursuit : “Le pays ne produit pas assez d’électricité. Il doit sortir du sous-développement et le pouvoir politique se tourne vers les énergies qu’il peut”. Près de 80 % des plus de 700 millions de personnes sans électricité dans le monde se trouve en Afrique.

L’intérêt est d’aussi développer les énergies décarbonées. Développer le nucléaire permettra aussi au Burkina Faso “de sortir de la pauvreté. La haute technologie est une solution sûre pour un pays”, précise Emmanuelle Galichet.

“Le nucléaire donne une assise importante. Les pays qui comptent réellement dans le monde sont ceux qui l’ont”, note également l’enseignante-chercheure. Mais accéder au nucléaire a un coût conséquent que le Burkina Faso ne peut pas actuellement s’offrir. Le PIB du pays en 2020 s’élève à 15 milliards d’euros, soit environ le prix brut d’une centrale nucléaire à réacteur à eau pressuré, selon les estimations de Lova Rinel.

La chercheure associée à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris et membre de la Commission de régulation de l’énergie, estime que le coût primaire, incluant la construction d’infrastructures type routes et logements indispensables au fonctionnement de la centrale atteint les 30 milliards d’euros pour 15 ans de travaux. Le coût et le temps total sont encore plus élevés s’ils incluent la formation d’ingénieurs, l’acheminement et le transport sur des lignes à haute tension, etc. “Il faut 1 400 ouvriers qualifiés pour construire une centrale. Sauf qu’il n’y en a pas un seul au Burkina Faso et il faut compter 20 ans pour en former”, ajoute Emmannuelle Galichet

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En Égypte, la Russie finance par un prêt 85 % des 25 milliards d’euros d’investissement dans la construction de cette première centrale nucléaire du pays. Le pays nord-africain commencera le remboursement de sa dette après l’ouverture de la centrale. En Turquie, les premiers réacteurs sont entièrement financés par l’agence nucléaire russe Rosatom, qui en échange l’exploitera jusqu’à sa fermeture, en plus d’en tirer des bénéfices.

“L’ATOUT PRINCIPAL DE LA RUSSIE DANS SON EXPANSION MONDIALE”

“La Russie à l’heure actuelle essaye de renforcer son influence dans l’Ouest de l’Afrique”, note David Teurtrie, spécialiste de la Russie et chercheur associé au Centre de Recherches Europes-Eurasie. Rosatom est le principal exportateur de centrales nucléaires au monde. Avec ses 25 projets actuellement en cours, il devance respectivement la Chine (18), l’Inde (4) et la Corée (4).

Selon le chercheur, le projet de la Russie cherche aussi à tracer de nouvelles perspectives pour conserver dans son giron les régimes actuels et suivants en Afrique. “Le pouvoir russe souhaite aller au delà de sa présence militaire pour dire : ‘on va contribuer à votre développement régional’. Le pays doit crédibiliser sa présence sur le continent”. La chercheure Emmanuelle Galichet explique également que le nucléaire est “l’atout principal de la Russie dans son expansion mondiale. La stratégie est politique avant d’être industrielle”.

Photo :
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d’une session plénière de la Semaine russe de l’énergie au Manezh Central Exhibition Hall à Moscou, le mercredi 11 octobre 2023.

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