LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2020 06 16/
« La loi César se retournera contre ses instigateurs »
– Pars Today (Iran, ce 13 juin).
Un certain nombre de professeurs d’économie de l’Université de Damas souligne que « le principal objectif des États-Unis de mettre en vigueur la loi César est de nuire aux intérêts du peuple syrien. En fait, la loi César est la quatrième étape d’une guerre tous azimuts contre le peuple syrien après l’occupation militaire, le terrorisme et la guerre médiatique ». Les professeurs de l’université de Damas disent que « la baisse de la valeur de la monnaie nationale syrienne ne dépend ni de l’industrie ni de l’agriculture, mais qu’elle a été créée artificiellement par la crainte de l’application de la loi César ».
L’INTERDEPENDANCE DES ECONOMIES SYRIENNE ET LIBANAISE
Lorsque les États-Unis, l’Union européenne et les Nations unies ont imposé des sanctions à la Syrie au cours de la première année de la guerre civile (transformée en guerre d’agression impérialiste) en 2011, celles-ci étaient destinées à faire pression financièrement sur le gouvernement de Bachar al-Assad. Mais le Liban a également été pris dans la tourmente, contraint de restreindre l’accès de la Syrie au système financier mondial en raison des liens bancaires existant depuis longtemps entre les deux pays. Lorsque la Syrie ba’athiste a nationalisé ses banques dans les années 1960, dans la construction de son Etat socialiste, c’est au Liban qu’ont fui les capitaux privés. Des banques y ont été créées par des investisseurs syriens, comme la banque BLOM, troisième plus grande institution bancaire du pays qui est toujours gérée par la famille Azhari. « Les relations entre les Syriens et le secteur bancaire libanais sont plutôt anciennes », déclare Jihad Yazigi, rédacteur en chef du ‘Syria Report’, un bulletin d’informations économiques.
Tout au long de la guerre civile libanaise (1975-1990) et de la présence syrienne au Liban (jusqu’en 2005), c’est le Liban qui a servi de marché des changes à Damas. La Syrie était une économie fermée et échanger des dollars en dehors des banques publiques y était illégal. À la suite du retrait syrien provoqué par des manifestations massives à Beyrouth au printemps 2005 (la version libanaise des « révolutions de couleur) et de la libéralisation de l’économie syrienne, les banques libanaises ont ouvert cinq filiales en Syrie. « La dépendance à l’égard du Liban a diminué à mesure que les transferts internationaux étaient autorisés [en Syrie], bien que le Liban soit considéré comme plus sûr et jouisse du secret bancaire », précise Yazigi. Alors que la situation devenait de plus en plus violente en Syrie et que les sanctions commençaient à mordre, les capitaux syriens ont commencé à quitter le pays.
Alors que le Liban ressentait la pression de se conformer aux sanctions internationales ciblant la Syrie, Riad Salameh, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), la banque centrale du pays, a déclaré publiquement en 2012 : « Il n’y a pas de contrebande d’argent de la Syrie vers le Liban ». Les banques libanaises sont restées sur la défensive, clôturant les comptes de Syriens faisant l’objet de sanctions et rétrogradant les individus sanctionnés au sein des conseils d’administration des filiales bancaires syriennes. La pression internationale s’est encore intensifiée lorsque Washington a présenté la loi sur la prévention du financement international du Hezbollah (HIFPA) en 2014, renouvelée en 2018 sous le nom de HIFPA II, pour tenter d’isoler financièrement le Hezbollah. Alors que ce dernier combattait aux côtés des forces gouvernementales syriennes, le secteur bancaire libanais était à nouveau sur la défensive, désireux de montrer qu’il n’était un intermédiaire ni pour les liquidités syriennes ni pour les financiers du Hezbollah. De l’autre côté de la frontière, alors que le conflit syrien s’intensifiait, les finances du pays se sont contractées. Début 2016, le Fonds monétaire international a estimé que la Syrie détenait 1 milliard de dollars en devises, tandis que la Banque mondiale estimait ce montant à 700 millions de dollars, contre 20 milliards de dollars en 2010, selon Jihad Yazigi. La livre syrienne, quant à elle, était sur une pente glissante, se dépréciant de 47 livres pour un dollar américain en 2010 à 400 livres pour un dollar en 2016.
L’INFLUENCE EN SYRIE DES MANIFESTATIONS AU LIBAN CONTRE LES BANQUES
Début 2019, la livre avait atteint 535 pour un dollar, glissant à 663 livres en octobre, alors que le Liban contrôlait davantage ses transferts à l’étranger et que les fissures du système financier libanais commençaient à se manifester. Le 17 octobre 2019, un soulèvement a en effet éclaté au Liban, conduisant les banques à fermer leurs portes pendant deux semaines, avant d’imposer des contrôles officieux de capitaux et de limiter les retraits en dollars américains. Tout comme le Liban avait été happé par les sanctions contre Damas, la Syrie a été prise au piège de la crise financière libanaise. « La crise libanaise a fermé une porte importante à la Syrie pour ce qui est de l’obtention de dollars », indique un ancien banquier syrien qui a requis l’anonymat. L’ampleur réelle de la dépendance de la Syrie à l’égard du Liban pour obtenir des billets verts, nécessaires au commerce international, est devenue encore plus évidente à mesure que les banques libanaises se sont retrouvées à court de dollars.
À la mi-novembre, la livre syrienne a atteint 822 pour un dollar et peu de temps après, alors que le secteur bancaire libanais limitait les retraits de dollars à 300 ou moins par semaine, elle a atteint 1 000 livres pour un dollar. « La pression financière sur le Liban a exposé tous les pays liés au secteur bancaire, et la Syrie était évidemment très dépendante du secteur financier libanais », commente sous couvert d’anonymat un responsable libanais de la conformité dans une grande banque. « Tout le monde savait que la Syrie utilisait le Liban pour échapper aux sanctions, les États-Unis le savaient, donc ce qui s’est passé n’est pas une surprise. Des milliards de dollars ont été bloqués, et l’effet immédiat a été la dépréciation de la livre syrienne », ajoute-t-il. En raison de la pénurie de dollars, les affaires en Syrie ont été « interrompues à cause du Liban », indique l’ancien banquier syrien.
Si les Syriens sont désormais en mesure de retirer de l’argent, c’est en lires libanaises, lesquelles devront ensuite être échangées en dollars. La lire est officiellement attachée au dollar, avec une parité de 1 507 lires pour un dollar. Mais en raison de la pénurie de dollars, elle se négocie actuellement à plus de 2 400 lires, soit une augmentation de 60 %. « Il y a deux prix, l’un dans les banques, que personne n’utilise, et celui dans nos bureaux de change, qui est 60 % plus élevé », déclare l’agent de change. La dépréciation et le manque d’accès au dollar pour les importations auront un impact sévère sur l’économie syrienne. « Quiconque gagne des dollars ou doit importer des marchandises en dollars est touché. L’économie syrienne est déjà en très mauvais état et cela va s’aggraver. Quel que soit le résultat [du soulèvement] au Liban, ce sera extrêmement négatif pour la Syrie, pour les entreprises et pour le peuple », prévient Yazigi. La richesse de la Syrie est estimée à un cinquième de ce qu’elle était lorsque la guerre civile a éclaté. Le Global Wealth Report, publié par la banque suisse Crédit Suisse, a estimé la richesse totale de la Syrie à 21 milliards de dollars à la mi-2019. Fin 2010, elle s’élevait à environ 117 milliards de dollars.
LA SYRIE ET LE LIBAN SERONT EN OUTRE TOUCHES PAR LA LOI CESAR
La Syrie et le Liban seront en outre touchés par la loi César « de protection civile syrienne » (sic) adoptée par le Sénat américain en décembre 2019, en référence au pseudonyme d’un militaire syrien déserteur. La législation, qui doit encore être signée par le président Donald Trump, impose des sanctions supplémentaires à la Syrie pour crimes de guerre. « La loi César est importante car elle affecte des pays tiers et aura des conséquences négatives sur les relations du Liban avec la Syrie. Il sera alors plus risqué de faire des affaires avec la Syrie car, techniquement, vous pourrez faire face à des sanctions de la part des Américains », explique Jihad Yazigi. « Les entreprises libanaises qui obtiennent un contrat de reconstruction attribué par le gouvernement seront ainsi passibles de sanctions. » Une bien mauvaise nouvelle pour les entreprises de construction libanaises qui espéraient décrocher des contrats pour la reconstruction de la Syrie, un coup de pouce indispensable pour l’économie.
DE DAMAS A BEYROUTH :
TOUT LE LEVANT FRAPPE
À Beyrouth, le gouvernement ne peut adopter la loi César, s’y plier et fermer ses portes à la Syrie. Les seuls postes-frontière terrestres du Liban traversent en Syrie, Israël étant considéré comme un ennemi. Tout plan économique national visant à revitaliser l’important secteur agricole local en exportant des produits vers la Syrie, l’Irak ou d’autres pays du Golfe échouerait si la loi César entrait en vigueur. Toute industrie régénérée ou tout échange commercial avec les pays du Moyen-Orient doit franchir la « porte syrienne ». Le gouvernement libanais actuel risque également de tomber s’il applique les sanctions américaines. Washington ne fournit aucun appui financier à l’économie libanaise en crise et n’a nullement l’intention d’offrir l’aide immédiate nécessaire pour la relever. Les USA, comme c’est devenu la norme, cherchent à imposer des sanctions et des conditions aux pays qu’ils ciblent, mais offrent peu en retour aux autres pays que cela affecte. Dans le cas du Liban, son déficit budgétaire frôle les 100 milliards de dollars après des décennies de corruption et de mauvaise gestion.
Le gouvernement du premier ministre Hassan Diab est, en théorie, un gouvernement technocratique et apolitique. Il ne voit pas les USA comme un ennemi, mais il ne suivra pas nécessairement les diktats américains, puisqu’il est proche de l’« Alliance du 8 mars » dont les membres qui ont le plus de poids ne sont pas amis des USA. Par conséquent, la seule solution pour ce gouvernement ou tout autre qui suivra consiste à se tourner vers l’est, c’est-à-dire vers la Chine, la Russie et l’Iran. Les USA vont probablement perdre le Liban, puisque ses alliés de l’« Alliance du 14 mars » sont devenus sans voix et impuissants. Il ne fait aucun doute que le parti chrétien au sein du groupe politique du « 8 mars » sera pris à parti et affecté par les sanctions des USA. Ce groupe possède des relations internationales à entretenir et à surveiller ainsi que des comptes bancaires à l’étranger. Quoi qu’il en soit, la loi César ne peut s’appliquer au Liban, peu importe les conséquences de la violation de ses dispositions.
« Les problèmes de la Syrie et du Liban sont bien différents, ce qui suggère que leur règlement passera évidemment par différentes voies. En Syrie, dans le processus de prendre une décision on essaie de trouver un terrain d’entente politique. Et même si ce problème est très complexe il n’y aura pas lieu de craindre qu’un des partis politiques neutralise ce processus, tandis qu’au Liban c’est l’inverse », estiment les experts économiques. « Le problème au Liban est plus profond. Dans ce pays, il existe des conflits, dont le but est de renverser le gouvernement », ont-t-ils précisé.
L’OMBRE DES USA SUR LES RELATIONS DU LIBAN AVEC LE FMI
« Le Liban se met à la table des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), mais il se voit confronté à des conditions américaines comme le désarmement de la Résistance et la démarcation des frontières avec Israël », ont indiqué ces experts économiques.
Les experts financiers soulignent que la Syrie s’oriente vers la mécanisation de l’agriculture et tente d’exporter ses produits à l’aide de ses alliés, brisant ainsi l’embargo et surmontant les pressions économiques. « Les impacts négatifs des aides financières que promet le FMI sont plus nombreux que leurs effets positifs ceux positifs et ces aides ne feraient qu’aggraver les problèmes du Liban », ont-t-il averti. « Le Liban et la Syrie n’ont que deux choix ; céder aux pressions américaines ou former une Résistance économique face à la loi César tout comme ce qu’ils ont déjà fait face aux occupants », ont-ils conclu. Les économistes soulignent la nécessité de créer un système économique d’autosuffisance au Liban, en prenant pour modèle l’économie iranienne.
(Sources : Pars Today – Middle East Eye – Syria Report – Global Wealth Report – EODE Tink Tank)
Photo :
Le grand souk de Damas fin 2019.
LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE
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