LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2020 05 23/

Le 22 mai 1990, les dirigeants de la République du Yémen du Nord et du Yémen du Sud annonçaient à Sanaa, la capitale, la naissance d’un seul et unique pays ; En 2013, les américains imposaient leur soi-disant « printemps arabe » et changeaient le régime yéménite. S’en suivra une nouvelle guerre civile. Et maintenant un nouvel éclatement du pays ! Trente ans après l’unification des anciens Etats du Nord et du Sud du Yémen en un seul pays, ce dernier semble sur le point de se disloquer, sous l’effet de conflits armés, de revendications régionales et d’ingérences étrangères …

LES ANALYSEES DE REFERENCE SUR
LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY :

* Sur le printemos arabe au Yemen/
Luc MICHEL, GEOPOLITIQUE /
YEMEN : LE PROJET AMERICAIN DU « GRAND MOYEN-ORIENT » EN ACTION …
sur http://www.lucmichel.net/2013/07/07/luc-michel-focus-geopolitique-yemen-le-projet-americain-du-grand-moyen-orient-en-action/

* Sur la fragmentation du Yemen/
Luc MICHEL, GEOPOLITIQUE /
SCENARIO SOMALIEN POUR LE YEMEN ?
sur http://www.lucmichel.net/2013/07/08/luc-michel-focus-geopolitique-scenario-somalien-pour-le-yemen/

* Sur la guerre du Yemen/
LE ‘VIETNAM’ DES SAOUDS:
YÉMEN LA SECONDE GUERRE CHAUDE DU PROCHE-ORIENT APRES LA SYRIE.
sur http://www.lucmichel.net/2017/12/13/luc-michels-geopolitical-daily-le-vietnam-des-saouds-yemen-la-seconde-guerre-chaude-du-proche-orient-apres-la-syrie/

LA FIN DU YEMEN TEL QU’IL AVAIT ETE IMAGINE EN 1990

Le 22 mai 1990, les dirigeants de la République du Yémen du Nord et du Yémen du Sud annonçaient donc à Sanaa, la capitale, la naissance d’un seul et unique pays dans l’euphorie générale. Il s’agissait alors pour eux de l’aboutissement du « rêve de toute une génération de Yéménites », raconte à l’AFP l’analyste politique Saleh al-Baidhani. Mais aujourd’hui, ce rêve s’est envolé et le pays est empêtré dans des conflits sans fin, avec une mosaïque de zones rivales.

Sanaa et de larges zones du nord du pays sont désormais entre les mains des rebelles Houthis, tandis que le gouvernement contrôle la zone centrale de Marib et des provinces de l’est. Le sud-ouest, lui, reste aux mains du général Tarek Saleh, neveu de l’ancien président Ali Abdallah Saleh, tandis que les séparatistes du Conseil de transition du sud (STC), qui revendiquent l’indépendance du Sud, tiennent la grande ville d’Aden et des pans de cette partie du pays. Les affrontements entre les séparatistes et les forces progouvernementales ont ouvert un front au sein même du camp anti-Houthis.

Ils ont surtout entériné « la fin du Yémen tel qu’il avait été imaginé en 1990 », admet-on dans les cercles du pouvoir, exilé à Ryad. Interrogé par l’AFP, Ali al-Sarari, conseiller du Premier ministre Maïn Abdelmalek Saïd, ne voit que deux options pour le futur : « un Yémen fragmenté ou un Yémen décentralisé et fédéral » qui naîtrait d’un accord politique. Lequel paraît pour l’instant illusoire : le conflit au Yémen a fait depuis 2014 des milliers de morts, essentiellement des civils, selon les organisations humanitaires, et le pays est confronté à la pire crise humanitaire au monde d’après l’ONU.

LE PREMIER ECLATEMENT DU PAYS DEMARRE EN 1962

Le Yémen a été unifié à la suite de « transformations révolutionnaires », rappelle M. Baidhani. A la suite d’un coup d’Etat par des officiers nationalistes en 1962, la monarchie Zaïdite dans le nord du Yémen devient une république. Le Sud, lui, devient indépendant en 1967, après quatre ans de révolte armée contre les colons britanniques. En 1970, un régime marxiste, le seul du monde arabe, y est instauré. Deux idéologies s’opposent alors : nationaliste dans le Nord, socialiste dans le Sud. Mais toutes deux tendent vers l’unification du pays.

Le chemin vers un Yémen uni sera cependant constellé d’affrontements meurtriers, d’incidents frontaliers et d’interminables négociations. Arrivé au pouvoir en 1978 dans le Nord, M. Saleh sera le premier président de ce nouveau pays, avec l’appui d’anciens dirigeants du Sud. Mais très vite, ces derniers s’estiment écartés du pouvoir et font une tentative de sécession en 1994, réprimée dans le sang par des troupes venues du Nord. « L’unité du pays a été fondée sur de mauvaises bases et a pris l’allure d’une colonisation du Sud par le Nord », remarque Hussein Hanachi qui dirige un centre d’études à Aden. L’analyste souligne ainsi les démantèlement d’entreprises d’Etat dans le Sud au profit d’hommes d’affaires du Nord, et la distribution de terres domaniales à des partisans du président.

DU « PRINTEMPS ARABE » A LA GUERRE SAOUDIENNE

Outre la tentative de sécession en 1994, le gouvernement doit faire face à la montée de groupes jihadistes et à de graves difficultés économiques. En 2011, dans le sillage du Printemps arabe, il est contesté par une rue instrumentalisée par les américains , ce qui mène un an plus tard au départ du président Saleh et à une période de transition difficile, à la faveur de son successeur Abd Rabbo Mansour Hadi.

Après l’Egypte et la Libye, c’est un nouveau régime (agonisant) issu du Nationalisme arabe (de type nassérien) qui est remplacé par le système politique prôné par les USA dans le cadre de leur projet dit du « Grand Moyen-Orient » : l’association de militaires pro occidentaux (verrouillant le système) et d’un parlement sous contrôle ouvert aux islamistes radicaux. Le but étant de dissocier l’aile parlementariste des islamistes (Frères Musulmans, Salafistes, etc) de sa base radicale djihadiste (liée à Al-Qaida ou AQMI, son aile nord-africaine).

LA MONTEE EN PUISSANCE DE LA REBELLION CHIITE HOUTHIE

Les rebelles Houthis, chiites, implantés dans le Nord, s’engouffrent dans la brèche et prennent la capitale en 2014 (voir notre chronologie commentée en Annexe). L’ascension des Houthis, soutenus par l’Iran chiite, a poussé le grand rival régional de ce dernier, l’Arabie saoudite, à soutenir le gouvernement en formant une coalition dès 2015.

Et avec la proclamation le 26 avril de l’autonomie du Sud par les séparatistes – dont des éléments étaient formés par l’allié de Ryad, les Emirats arabes unis -, la division du Yémen semble actée. « L’unité du Yémen dans son état actuel n’existe plus », confirme Majed al-Mathhaji, à la tête d’un centre de réflexion à Sanaa. « La guerre a créé une nouvelle réalité sur le terrain. »

# ANNEXE :
CHRONOLOGIE COMMENTEE DU YEMEN 1918-2020

Rappel des grandes dates de l’histoire du Yémen, depuis un siècle, ravagé par plusieurs années de guerre, qui a engendré, selon l’ONU, la pire crise humanitaire au monde :

– En 1918, après le démantèlement de l’empire ottoman, le nord du Yémen devient un royaume indépendant dirigé par des imams de la communauté zaïdite, une branche du chiisme.
– En 1962, un coup d’Etat mené par des officiers nationalistes renverse l’imam-roi. La République du Yémen du Nord est proclamée.
– Une guerre civile va durer jusqu’en 1970. L’Egypte de Nasser soutient le camp républicain, tandis que l’Arabie saoudite aide les troupes royalistes qui bénéficient aussi de l’appui discret du Royaume-Uni depuis sa colonie d’Aden (sud).
– Yémen du Sud : Le port d’Aden est depuis 1839 aux mains des Britanniques, qui le proclament colonie royale en 1935 et font de son arrière-pays un protectorat deux ans après. En 1967, le Yémen du Sud devient indépendant après une révolte armée contre les Britanniques déclenchée en 1963.
– Le pays est baptisé République démocratique et populaire du Yémen en 1970, seul Etat marxiste arabe.
– En 1978, Ali Abdallah Saleh est élu président du Yémen du Nord par une assemblée constituante après l’assassinat de son prédécesseur.
– Un an plus tard, une guerre ouverte oppose les deux Yémen.
– En 1986, le Yémen du Sud est le théâtre de violences lors d’un coup d’Etat. Les nordistes observent une stricte neutralité.
– Le 22 mai 1990, le Nord et le Sud sont unifiés. Le général Saleh devient président de la République du Yémen, dont la capitale est Sanaa.
– Mais des tensions persistent. En août 1993, le vice-président Ali Salem al-Baïd se retranche à Aden, exigeant des réformes et une décentralisation administrative.
– En 1994, des séparatistes du sud lancent une rébellion. Le conflit de mai-juillet 1994 entre Nord et Sud se solde par la victoire des troupes du général Saleh.
– Le printemps arabe : Le 27 janvier 2011 débute une contestation qui va mobiliser des dizaines de milliers de manifestants réclamant le départ de Saleh, soutenue par Washington, al Jezirah et les occidentaux. D’importantes tribus se joignent au mouvement, suivies par des officiers de l’armée.
– En novembre, le président signe à Ryad avec l’opposition parlementaire un accord de transition en vertu duquel il doit remettre le pouvoir à son vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi, en échange de l’immunité pour lui-même et ses proches. Fin février 2012, il cède le pouvoir à M. Hadi.
– En juillet 2014, les Houthis, s’estimant depuis des années marginalisés, lancent une offensive depuis leur fief de Saada (nord). Issus de la minorité zaïdite, ils contestent le pouvoir central. L’Iran affirme les soutenir mais nie tout appui militaire.
– En septembre, les rebelles Houthis, alliés à de puissantes unités militaires restées fidèles à M. Saleh, entrent dans Sanaa et s’emparent du siège du gouvernement.
– En janvier 2015, ils s’emparent du palais présidentiel. M. Hadi fuit vers Aden en février.
– Le 26 mars, une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite intervient pour stopper l’avancée des Houthis. M. Hadi se réfugie à Ryad, les rebelles se rapprochent d’Aden.
– En juillet, le gouvernement annonce la « libération » de la province d’Aden. La ville d’Aden devient sa capitale « provisoire ». Forces progouvernementales et coalition parachèvent jusqu’à mi-août la reprise de cinq provinces méridionales.
– De juin à décembre 2018, le port de Hodeida (ouest) est le théâtre de violents combats entre forces progouvernementales et rebelles.
– Depuis janvier 2020, les combats se sont intensifiés entre les deux camps, se concentrant autour des provinces de Jawf et Maarib (nord).
– Fin janvier 2018, des séparatistes du sud se retournent contre le pouvoir à Aden et assiègent le palais présidentiel. Une intervention saoudo-émiratie met fin à la bataille.
– En août 2019, de nouveaux affrontements opposent à Aden les deux camps.
– Début novembre, un accord de partage du pouvoir est signé à Ryad. Il met fin aux affrontements, mais aucune de ses dispositions ne sera appliquée, hormis le retour du chef du gouvernement et de quatre ministres à Aden.
– Le 26 avril 2020, les séparatistes accusent le gouvernement de ne pas avoir rempli ses obligations et d’avoir « conspiré » contre la cause du Sud. Ils déclarent l’ »autonomie » du Sud, brisant l’accord. La coalition rejette la déclaration d’autonomie.
– Le 11 mai, des combats éclatent entre séparatistes et forces progouvernementales qui tentent de reprendre Zinjibar, la capitale de la province sudiste d’Abyane.

(Sources : AFP – EODE Think Tank)

Photo :
Des partisans loyaux aux rebelles houthis scandent des slogans en brandissant des armes lors d’un rassemblement visant à mobiliser plus de combattants pour le mouvement Houthi à Sanaa, au Yemen, le mardi 25 février 2020.

LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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