Vers 20h00 (Douala-Ndjaména-Malabo)
Et 21h00 (Bruxelles-Paris-Berlin)
Luc MICHEL en Duplex EODE-TV depuis Bruxelles

1er Thème de l’émission :
VIOLENCES EN LIBYE
Attaque contre le siège de la compagnie nationale de pétrole à Tripoli. A quand la fin des violences ?

Le géopoliticien Luc MICHEL répond aux questions essentielles :
Vous suivez de près la situation en Libye, pays dont vous êtes un expert, et vous avez pendant 25 ans soutenu la Jamahiriyah de Kadhafi, en dirigeant notamment le MCR libyen en Europe. Que se passe-t-il vraiment en Libye ?
Comment interpréter l’assaut djihadistes contre le siège de la NOC, la Compagnie Libyenne Nationale du Pétrole, en plein Tripoli ?
Vous nous dites que c’est pas un hasard si la NOC a été frappée et vous évoquez une « guerre du pétrole » en Libye ?
Expliquez-nous de quoi il s’agit ?

QUE SE PASE-T-IL EN LIBYE (1) :
AFFAIRE NEBULEUSE, DAECH FRAPPE EN PLEIN TRIPOLI !

Libye: une attaque contre la Compagnie nationale de pétrole à Tripoli !
En Libye, une attaque a visé, ce lundi 10 septembre, la compagnie nationale de pétrole (NOC). Le bâtiment se situe dans le centre de la capitale libyenne, Tripoli. Au moins quatre personnes sont mortes, deux civils et deux assaillants. Dix employés de la compagnie ont été blessés. L’attaque a duré plus de trois heures. Elle a débuté à 9h lundi matin et s’est terminée vers midi et demi. Selon le ministre libyen de l’Intérieur, six personnes, des Subsahariens, ont mené l’assaut. Des photos diffusées par les forces de sécurité montrent les lambeaux d’un corps : un kamikaze qui s’est fait exploser à l’intérieur du bâtiment. Les assaillants ont aussi utilisé des mitraillettes et des grenades. Selon des témoins, plusieurs explosions et des tirs ont été entendu dans le bâtiment. Un fonctionnaire de la NOC a indiqué à l’AFP que les attaquants portaient des cagoules et qu’ils avaient échangé des tirs avec les gardes. Une partie des employés a réussi à s’échapper par les portes arrière. Les autres, dans les étages supérieurs, ont été extraits par les secours à l’aide de grandes échelles.

La force de dissuasion, une milice à la solde du ministère de l’Intérieur et qui était chargé de la sécurité, avait encerclé le bâtiment avant d’intervenir pour mettre fin à l’attaque. Une attaque qui porte la marque de l’organisation Etat islamique, mais qui n’a pas été encore revendiquée. En tout cas, le gouvernement libyen s’est empressé d’accuser le groupe terroriste qui avait déjà, il y a quatre mois, attaqué la Haute Commission électorale.

Cette attaque soulève cependant plusieurs questions car elle intervient dans un contexte particulier, moins de 24 heures après la décision d’appliquer des nouvelles mesures sécuritaires dans la capitale. Mesures selon laquelle les milices ne devraient plus garder des institutions de l’Etat, comme c’est le cas actuellement. Plusieurs analystes considèrent que l’organisation Etat islamique a profité du vide sécuritaire créé par les affrontements entre milices pour frapper la capitale, mais d’autres estiment qu’attribuer ce dernier attentat au groupe EI est une ruse qui ne convainc plus personne. Pour l’écrivain Bachir Zobia, « l’explication de l’attaque contre la NOC ne devrait pas se limiter au seul scénario de l’EI ». D’autres vont plus loin dans l’affirmation et considère que « cette attaque est menée pour montrer l’importance des milices et la nécessité de sa présence dans la capitale pour contrer l’EI ». Le gouvernement libyen tout comme l’ONU font la différence entre des milices officielles, à savoir les quatre milices de Tripoli et les autres, qui sont originaires des villes avoisinantes et qui sont quand même payées, elles aussi, par l’Etat.

Cet attentat intervient après le nouveau cycle de violence entre milices rivales qu’a connue la capitale libyenne qui vit actuellement une trêve fragile. Trêve qui devrait être consolidée par des nouvelles mesures sécuritaires. Selon ces mesures de l’ONU, les milices doivent abandonner la garde de toutes les institutions à Tripoli et se retirer de la capitale. Joint par RFI, Jale Harchaoui, chercheur à l’Université Paris VIII, spécialiste de la Libye, souligne que le groupe Etat islamique a profité du contexte pour rappeler leur présence dans le pays. C’est une présence sous forme de cellule dormante. Bien qu’on traverse des mois entiers sans la moindre manifestation de l’Etat islamique, n’importe quel expert va vous dire qu’il est impossible de dire qu’il n’y a pas d’Etat islamique présent dans Tripoli.

QUE SE PASE-T-IL EN LIBYE (2) :
BATAILLE OU GUERRE DU PÉTROLE EN LIBYE …

Le gouvernement d’union nationale appelle depuis juin l’ONU à l’aide pour récupérer la gestion des sites pétroliers passés sous le contrôle des autorités parallèles de l’est du pays. Reste à savoir quelle sera la réponse d’un conseil de sécurité divisé sur la question libyenne.

Exit le beau scénario virtuel de Macron et de l’ONU !
La promesse d’élections à la fin de l’année, qu’Emmanuel Macron avait voulu arracher le 29 mai aux parties qui se disputent la Libye, semble plus vaine que jamais. Et le maréchal Haftar que l’on a cru en fin de parcours à 75 ans après son hospitalisation en urgence à Paris, en avril. Celui qui dirige l’autoproclamée « armée nationale libyenne » (ANL), en fait sa milice personnelle, cantonnée en Cyrénaïque, la grande région de l’est de la Libye, a entamé en juin drrnier un violent bras de fer avec le gouvernement dit d’union nationale (GNA), basé à Tripoli à l’ouest qui met à mal le très laborieux processus de réconciliation du pays.

Non seulement Haftar et ses troupes ont pris le contrôle de l’ensemble des terminaux du croissant pétrolier libyen, en riposte à l’attaque des milices concurrentes de l’Est menées par Ibrahim Jadhran le 14 juin. Mais le « maréchal » a aussi annoncé qu’il confiait la responsabilité des installations à une compagnie pétrolière créée à l’Est, sous contrôle des autorités parallèles basées à Tobrouk et dorénavant chargées de gérer la manne pétrolière, à savoir plus d’un million de barils par jour. Production retombée à 450 000 barils en raison du conflit de ces derniers jours. La compagnie nationale de pétrole (NOC) et le GNA – officiellement soutenu par l’ONU – basés à Tripoli avait alors appelé l’ONU à l’aide pour bloquer toute vente de pétrole qui serait illégale. La NOC a en effet l’exclusivité de la gestion et des exportations de pétrole et seule la banque centrale à Tripoli a autorité pour gérer les recettes en dollars.

Quelle sera l’issue finale de ce bras de fer ? La volonté de main mise sur le pétrole n’est certes pas nouvelle, plusieurs tentatives avaient eu lieu aux printemps 2014, 2016 et 2017. Haftar a lui-même toujours convoité les installations pétrolières. « Mais il avait jusqu’ici été opposé à la vente sauvage de pétrole et s’était montré soucieux du maintien des instances légales NOC et banque centrale, dans l’optique d’entrer un jour victorieux dans Tripoli et de diriger le pays », souligne Jalel Harchaoui, politologue à l’université Paris 8. Il a visiblement tourné casaque.

Comment se positionneront la France, l’Italie (devenue le rivale de Paris en Libye) et la Russie ? C’est que la donne a changé. En mars 2014, le président Obama avait dépêché les forces spéciales américaines des Navy Seals pour arraisonner le tanker de l’Est libyen prêt à vendre sa cargaison au profit de la Cyrénaïque. « Cette époque où les États-Unis s’intéressaient de près à la Libye semble bien lointaine et le conseil de sécurité de l’ONU est aujourd’hui beaucoup plus divisé », constate Jalel Harchaoui. Quelle sera la position de la Russie, qui ne cache pas ses sympathies pour l’homme fort de l’est libyen ? Et même celle de la France, qui a de longue date deux fers au feu, soutien officiel du GNA à l’Ouest, et soutien officieux à Haftar à l’Est ? « Haftar a beau jeu de dire qu’il lutte contre les terroristes pour protéger le pays et ainsi avancer de crise sécuritaire en crise sécuritaire dans l’espoir de se présenter comme le seul recours », poursuit Jalel Harchaoui. Pour l’heure, s’il n’a pas pu s’imposer depuis le lancement en mai 2014 de son opération militaire « dignité », il a largement contribué à cristalliser les divisions. La bataille du pétrole, et donc le contrôle des revenus de la Libye, s’annonce

Photo :
De la fumée devant le bâtiment de la Compagnie nationale de pétrole à Tripoli, Libye, victime d’une attaque ce lundi 10 septembre 2018.

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