LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2018 06 18/
« Waterloo, c’est la fin de la grande lutte franco-anglaise qui a duré pendant plusieurs siècles. L’Angleterre devient, au XIXe siècle, probablement la plus grande puissance de l’histoire de l’humanité »
– Thierry Lentz (Fondation Napoléon).
Il y a peu de vrai tournants géopolitiques. De ceux qui changent la marche de l’Histoire. Waterloo est de ceux là. La France sort de l’Histoire comme puissance continentale unificatrice, rôle assumé depuis Louis XIV, et elle n’aura plus que des rôles secondaires. Le choc France vs Thalassocratie britannique, la nouvelle « guerre punique » (1) de Paris contre Londres, la « nouvelle Carthage » (2), se termine par la victoire de la Thalassocratie anglo-saxonne, celle de Londres puis de Washington, pour deux siècles. Le rôle de la France sera repris par l’Allemagne, celle des IIe et IIIe Reich. Puis dès 1941-42, par Moscou. Et malgré la « catastrophe géopolitique » de l’implosion de l’URSS (dixit Poutine), Moscou l’assume toujours …
UNE NOUVELLE GUERRE PUNIQUE !
Les théoriciens du Jacobinisme dès 1792 – encore eux -, repris par ceux du Ier Empire exposaient déjà le combat – lui aussi de civilisation, celui de l’Europe révolutionnaire des Lumières, contre l’Ancien régime des Rois et des Religions – contre leur ennemi principal : l’impérialisme anglo-saxon … Sur l’utilisation du thème « Rome contre Carthage » par la France jacobine, à propos du conflit contre la Grande-Bretagne, illustration du conflit classique géopolitique typique de la Terre – Rome – contre la Mer – Carthage – , il faut lire le grand historien français Louis MADELIN et son remarquable livre LE CONSULAT ET L’EMPIRE !
WATERLOO CONSACRE UN SIECLE DE DOMINATION BRITANNIQUE MONDIALE, CELLE DE LA FINANCE, SUIVI D’UN SIECLE DE DOMINATION AMERICAINE, CELLE DE WALL-STREET
Je parlais de Waterloo dans la Postface à la 3e édition de mon livre LE PARTI HISTORIQUE REVOLUTIONNAIRE (3) :
« Il y a peu de batailles décisives pour orienter le cours de l’Histoire. Moscou (fin 1941, début 1942), puis Stalingrad scellent la défaite du IIIe Reich et empêchent un XXe siècle dominé par Hitler. Waterloo consacre elle un siècle de domination britannique mondiale, celle de la Finance, suivi d’un siècle de domination américaine, celle de Wall-Street. Le règne géopolitique et économique des cousins néo-carthaginois anglo-saxons !
Idéologiquement c’est la défaite des forces révolutionnaires pour un siècle aussi, celle du Jacobinisme, matrice des révolutions des XIXe et XXe siècles. Le « long XIXe siècle » (dixit l’historien britannique Hobsbawm) sera un siècle de révolutions brisées, vaincues, récupérées, celui des combats désespérés de Mazzini et de Marx, de Blanqui et de Engels, des décembristes et des jacobins russes, de la Seconde Commune de Paris en 1871 … Il y a 135 ans entre la Première Commune de Paris de 1792 (celle de Robespierre et de la Montagne jacobine, dans lesquels se reconnaissait Lenine, mais aussi Kadhafi) et la Grande Révolution d’Octobre bolchevique fin 1917. Le 18 juin 1815 la réaction d’Ancien régime triomphe, le temps de s’agglomérer aux dynasties bourgeoises pour former les oligarchies dominantes contemporaines. Waterloo, bien au-delà du destin particulier de Napoléon ou même de la France, est un tournant géopolitique et idéologique. »
WATERLOO LOIN DU FOLKLORE ANESTHESIANT …
C’est celà Waterloo, loin d’un événement historique lointain, transformé en célébration folklorique par ces oligarchies européennes, que je dénonce inlassablement. Voir le grand barnum en Belgique – « un monstre géopolitique artificiel érigé au service des intérêts géopolitiques britanniques en 1830 » – et le sens faussement « réconciliation européenne » que veulent lui donner les régimes belge, hollandais, britannique, allemand et français, alors que la portée historique de Waterloo est toute autre. Précisément les Windsor, Saxe-Cobourg, Nassau qui paradent chaque 18 juin à Waterloo sont les héritiers des vainqueurs réactionnaires de 1815, leur survivance dans les oligarchies européennes et mondiales (le roi belgicain Philippe est un assidu des sommets des Bilderberg).
* Lire à ce sujet :
« Bicentenaire Waterloo: une cérémonie protocolaire sous le signe de la réconciliation » (in La Libre Belgique)
POLITIQUE – REVOLUTIONS – CLASSES – OLIGARCHIES, EN FRANCE ET EN EUROPE
Dans un pamphlet publié en 2014, l’ex-trotskiste Lionel Jospin (et ce n’est pas un hasard) dénonçait « l’héritage néfaste laissé par l’Empereur ». A ses yeux, Napoléon est « coupable d’avoir détruit la Révolution par le coup d’État du 18 brumaire et, par ses guerres incessantes et sa soif de conquête, d’avoir fait le lit de l’hégémonie britannique au XIXe siècle ».
Or, la réalité historique est à l’opposé de cette conviction de l’ancien Premier ministre social-démocrate. Bonaparte a sauvé la Révolution, menacée de mort par la déliquescence corrompue du Directoire et un coup d’Etat monarchiste qui aurait ramené Louis XVIII dès 1796-98. Il a consolidé ses idéaux d’égalité et de mérite dans le Code civil, que ne pourra plus remettre en cause la Restauration. Comme l’avait compris Karl Marx, il a parachevé l’avènement de la bourgeoisie en garantissant la vente des biens nationaux.
LA GEOIDEOLOGIE DERRIERE WATERLOO :
LA PREDOMINANCE GEOPOLITIQUE DES NEO-CARTHAGINOIS ANGLO-SAXONS ET LE REGNE IDEOLOGIQUE DE LA FINANCE
L’étoile de l’Angleterre s’était levée un siècle plus tôt, à la fin des guerres de Louis XIV, et celle de la France avait pâli à l’issue du traité de Paris de 1763, lorsque Louis XV, sans aucune vision, abandonna sottement le Canada et l’Inde. « Que perd la France ? demanda Michelet. Rien, sinon le monde. » Les guerres de la Révolution et de l’Empire furent l’ultime effort de la France – qui laissa le pays exsangue – pour reprendre son rang de maître de l’Europe.
Après avoir financé les guerres contre Louis XIV, la City de Londres avait payé les coalitions qui vinrent à bout de « l’Ogre ». Napoléon fut le seul Français (et européen) qui combattit la Finance, les armes à la main. L’affrontement entre la France de Napoléon et l’Angleterre de Pitt est idéologique ; ce fut celui des deux conceptions de la modernité qui s’annonçait : le modèle libéral et inégalitaire de l’Angleterre, centré sur le marché et l’initiative privée (devenu celui des USA et de tout le Bloc anglo-saxon) et où domine la Finance internationale et le pouvoir économique, opposé au modèle étatiste et égalitaire de la France, centré sur l’Etat et la puissance publique, où prédomine le Politique.
Dans cette affaire, « les vieilles monarchies européennes, condamnées par l’Histoire – elles mettront un siècle à mourir –, hésitèrent entre les deux camps, passant de l’un à l’autre, avec des habiletés matoises de chat, avant de se rallier au panache d’Albion ». Pour Stendhal, Napoléon fut coupable de les avoir laissées vivre au lieu de les achever ; d’avoir même essayé vainement d’obtenir d’elles ce « droit de bourgeoisie » que Talleyrand, le malheur avec Fouché de la France, « le vice appuyé sur le crime », le poussait à solliciter.
Les politiques français, tous ralliés à l’Atlantisme plus ou moins honteusement, tressent d’unanimes louanges à Talleyrand et rejettent Napoléon avec horreur (et ce n’est pas non plus un hasard, car Tallyrand est le modèle même des politiciens compradore rallié à l’ennemi pour conserver une partie du pouvoir), même lorsqu’ils avouent admirer Bonaparte, établissant un distinguo qu’ils croient subtil, alors qu’il signe leur inculture historique. A la décharge de Lionel Jospin, son vainqueur de la présidentielle de 2002, Jacques Chirac ne pensait pas autrement que lui. Nos deux champions de la droite et de la gauche étaient bien ces « bourgeois louis-philippards envieux de la puissance économique de l’Angleterre, étrangers à la grandeur de la France ».
C’est d’ailleurs Louis-Philippe qui fit ramener les cendres de Napoléon aux Invalides. Par récupération politique ! Dans son sublime ‘Choses vues’, Victor Hugo décrivait « le décalage entre la ferveur populaire (les survivants de la Grande Armée dormant aux pieds de son cercueil) et la froideur hautaine des élites du régime ». Déjà !
Cette histoire-là n’est plus enseignée ni en France ni en Europe, et n’est même plus audible par les oreilles contemporaines (4).
NOTES ET RENVOIS :
(1) Les trois guerres puniques opposèrent durant près d’un siècle la Rome antique et Carthage (civilisation punique et pas « africaine », les africains sont ses voisins numides, alliés de Rome). La cause initiale des guerres puniques fut le heurt des deux empires en Sicile, qui était en partie contrôlée par les Carthaginois. Au début de la première guerre punique, Carthage avait formé un vaste empire maritime (thalassocratie) et dominait la mer Méditerranée, alors que Rome avait conquis l’Italie péninsulaire (puissance continentale). À la fin de la troisième guerre punique, Rome parvint à conquérir les territoires carthaginois et à détruire Carthage, devenant ainsi la plus grande puissance de la Méditerranée.
(2) Le conflit de Rome contre Carthage, de la puissance continentale contre la puissance maritime, le thalassocratie, est classique, fondamental en Géopolitique !
Je peste souvent contre cette absurdité historique et géopolitique sans nom ! Beaucoup d’écrivains aujourd’hui à l’extrême-gauche commettent un contresens de même nature que celui des Spartakistes allemands en 1916-19, se déclarant « spartakistes », et qui relève de la même erreur d’analyse sur l’Empire romain. Parce qu’ils ne connaissent mal l’Histoire et la géopolitique. Et parce que le Gauchisme développe, singulièrement depuis Mai 1968 en France, Italie ou Belgique, un discours anti-étatique et anti-jacobin. Notamment, des gens comme l’idéologue italien Toni NEGRI, qui parlent des Etats-Unis comme « d’un nouvel Empire romain » (sic). Contresens copié-collé de chez les Altermondialistes par certains idéologues néofascistes ou pro islamistes français et italiens.
Les Américains, c’est Carthage !!! Avec l’impérialisme carthaginois, ils partagent le recours à des armées de mercenaires, la domination par une oligarchie, non pas politique, mais économique et une vision qui consiste non pas à diffuser une culture, mais à piller la planète.
Cela n’a rien de nouveau. Dès 1967, THIRIART pouvait déjà s’emporter: « Nous avons lu, sous la plume d’un journaliste du régime, que les Etats-Unis semblaient devenir la « nouvelle Rome ». C’est là un échantillon de l’inculture historique – crasse –. Les Etats-Unis sont essentiellement un Empire maritime, comme le fut longtemps l’Angleterre, comme tenta de l’être le Japon, entre Tsushima et Hiroshima. Le modèle parfait d’empire maritime demeure Carthage et le modèle parfait d’Empire continental reste Rome » Sur ce sujet capital, Jean THIRIART écrivait encore (« USA : un empire de mercantis. Carthago delenda est », LA NATION EUROPEENNE, n° 21, Bruxelles & Paris, octobre 1967) : « Actuellement la lutte titanesque qui se profile en filigrane et qui s’inscrira dans le siècle à venir, sera la lutte pour l’hégémonie, entre une puissance maritime étalée et une puissance terrestre compacte, entre les Etats-Unis et la Grande-Europe. Les conditions continentales et maritimes ont fait naître des styles extrêmement opposés. Rome a été, malgré ses duretés et ses cruautés (…) une puissance civilisatrice tandis que Carthage n’a été qu’une puissance mercantile. De Rome partaient des hommes qui allaient pacifier, organiser, construire, unifier. De Carthage partaient des marchands, des représentants de commerce ; ils partaient pour aller rapidement s’enrichir (…) De Carthage, il ne reste rien : littérature, style architectural, pensée philosophique, pensée politique : c’est le vide. On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec les Etats-Unis où s’observe aujourd’hui ce même phénomène d’une civilisation sans culture. Le navigateur revient toujours chez lui, le continental s’implante. On peut, sans exagération, affirmer que la géographie ou la géopolitique a créé un style politique ».
Les révolutionnaires allemands Karl LIEBKNECHT et Rosa LUXEMBOURG – dont LENINE jugeait les vues étroites et qui ont politiquement échoué là où les Bolchéviques ont triomphé – ont eu une vision historique complètement faussée en choisissant Spartacus et la Révolte des esclaves pour emblème. Les esclaves révoltés n’étaient nullement le prolétariat antique. Celui-ci, c’est précisément la plèbe, dont les intérêts s’exprimaient dans le Parti populaire et qui formaient l’ossature des Légions de Marius à César. Le légionnaire est obligatoirement un citoyen romain sous la République, héritage de l’ancienne Démocratie directe des origines romaines. La vision des révolutionnaires français de 1789, imprégnés de l’Histoire romaine, a été plus claire. Ce n’est pas sans raison que BABEUF, le « premier communiste de l’Histoire moderne » selon Marx, avait choisi comme prénom révolutionnaire celui de « Gracchus » ! Précisément les Gracques, les deux leaders martyrs du parti populaire, les tribuns de la plèbe assassinés de la République romaine.
La Géopolitique de la Grande-Europe – qui est aussi la base et la matrice des thèses néo-eurasistes – ne fait qu’exprimer une vision globale, politique, éthique, de civilisation que l’on peut résumer par la formule lapidaire « Rome contre Carthage » !
(3) Luc MICHEL, LE PARTI HISTORIQUE REVOLUTIONNAIRE, Genèse et généalogie du Communautarisme, Edition MACHIAVEL, 1ère édition – Charleroi, 1984, 3e édition – Bruxelles, 1996.
(4) Voir Luc MICHEL, PENSER EN CONTINENTS ! POUR UNE PHILOSOPHIE DE L’ACTION ! POUR UNE MISE EN ACTION DE LA PHILOSOPHIE : CHANGEONS LE MONDE !
Discours de Luc MICHEL, Président du MEDD-RCM, au nom des Délégations du Continent européen, au Meeting d’ouverture de la Première Assemblée mondiale de l’ « Association Internationale des Partisans du Livre Vert » (Tripoli, Libye, 25 octobre 2009),
(Sources : PCN-Info – PCN-SPO – La Libre Belgique – EODE Think Tank)
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* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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