PCN-SPO/ 2018 05 03/
Revue de Presse/
« Le déclin du rôle de l’État dans la relation capital/travail a (…) remis face à face les deux classes antagonistes chères à Marx »
« L’utilisation à outrance du crédit pendant vingt ans a permis (…) aux gens de consommer plus que leur revenu et d’éviter ainsi un problème de demande effective »
A lire sur ‘Le point’ …
Michel Aglietta : « Marx a une analyse de l’argent extraordinaire »
Si nombre de ses théories sont aujourd’hui remises en cause, l’analyse par Karl Marx du rôle de la monnaie demeure, plus que jamais, pertinente…
Lorsqu’il parle de surproduction structurelle et du rôle de l’innovation, Marx accuse son âge. Mais quand il parle de l’argent pour l’argent, du capital fictif, de la monopolisation, il reste plus que jamais d’actualité. Analyse de Michel Aglietta*, économiste adepte de la régulation et généralement classé à gauche…
Extraits :
Le Point : Le dirigisme économique des années 1959-1960 avait donné un coup de vieux à l’analyse marxiste traditionnelle. Le néo-libéralisme des années 1980-2000 ne l’a-t-il pas rendue de nouveau pertinente ?
Michel Aglietta : Au XIXe siècle, l’État n’était que répressif. Marx n’a pu analyser le capitalisme régulé des années 1930-1970 fondé sur un système de relations salariales contractuelles médiatisées par un État régulateur des conflits et caractérisé par des salaires indexés sur la croissance. La montée de l’inflation consécutive aux deux chocs pétroliers et le coup de force du président de la Réserve fédérale américaine Paul Volcker qui, de 1979 à 1981, a porté les taux d’intérêt à près de 20 %, a toutefois fait voler en éclats cette indexation. Le conflit entre salariés et capitalistes est alors réapparu sous sa forme violente, les capitalistes retrouvant une position de force avec la récession et la montée du chômage. Un autre principe de gouvernance fondé sur la valeur actionnariale s’est mis en place tandis que les politiques de régulation économique de l’État se trouvaient fragilisées par la libéralisation financière. Ainsi, même si certains pays d’Europe du Nord ont conservé un contrat social solide et des syndicats puissants, ce déclin du rôle de l’État dans la relation capital/travaila, dans une certaine mesure, remis face à face les deux classes antagonistes chères à Marx.
L’accélération de la mondialisation peut-elle être analysée selon une grille marxiste ?
Oui. Cette analyse a surtout été développée au tournant du XXe siècle par Rosa Luxembourg qui voyait dans la mondialisation – l’exploitation de zones nouvelles à bas coût – un moyen très efficace de lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit. Chez Marx, il y a la notion de « surpopulation relative latente », dont l’utilisation peu coûteuse permet, via des importations bon marché, de maintenir le chômage en Europe et donc des salaires déprimés. De nos jours, les multinationales ne font pas autre chose en Chine ou en Inde, pays où la main-d’œuvre est abondante parce que l’on peut drainer vers l’industrie une population paysanne nombreuse. Cet excès d’offre de travail engendre des profits potentiels énormes.
La crise actuelle remet John Maynard Keynes au goût du jour. Mais dans Keynes, il y a des éléments de Marx. Quels sont-ils ?
L’un et l’autre refusent de croire à l’autorégulation du capitalisme. À cause de la plus-value et de l’exploitation croissante pour Marx. Du fait de la possibilité d’un chômage permanent pour Keynes. Dans les deux cas, l’origine du dysfonctionnement fondamental du système, c’est que le marché du travail n’est pas un vrai marché. Pour Marx, le rapport salarial engendre des contradictions sociales intolérables ; pour Keynes, l’offre de travail n’a pas d’influence sur la décision des entreprises, car ce sont elles qui, par leur demande de travail, déterminent le niveau de l’emploi. Celui-ci n’est pas déterminé par le salaire, mais par le niveau de production. L’autre grande approche commune, c’est la monnaie. Chez Marx, la notion de « capital fictif » signifie que l’argent cherche à faire de l’argent indépendamment de toute médiation par les marchandises et la production. Keynes oppose, quant à lui, capitalisme de spéculation et capitalisme d’entreprise. La finance qui se détache du rendement réel du capital débouche sur les cycles financiers et les crises.
Justement, la crise actuelle n’illustre-t-elle pas de manière éblouissante cette analyse de l’argent chez Marx ? N’est-elle pas le fruit de la déconnexion poussée à son paroxysme entre l’argent et l’échange ?
La monnaie est ambivalente : elle est un lien social qui permet l’échange généralisé, mais elle engendre aussi la violence lorsqu’elle est considérée comme richesse absolue et désirée pour elle-même. Les biens ne s’accumulent pas à l’infini, la monnaie, si. Elle se thésaurise en temps de crise (les marchés financiers s’assèchent) alors qu’en cas d’expansion du capital, elle s’utilise via le crédit et se recherche à travers des biens liquides que l’on peut à tout moment transformer en monnaie. Tout cela est dans Marx : son analyse de l’argent est extraordinaire.
C’est vrai qu’il a écrit le capitalisme est « fanatique de la valorisation pour la valorisation ». On dirait qu’il décrit la bulle immobilière des années 2000…
Oui. Une bulle signifie un prix d’actif qui donne une promesse de revenu futur imaginaire. Vous demandez des biens immobiliers parce que vous anticipez que leur prix va monter, vous vous endettez pour cela, et vous le faites en mettant le bien en garantie. Il y a donc une demande de crédit croissante. De leur côté, les banques utilisent elles-mêmes ce bien en garantie collatérale en faisant la même anticipation que les demandeurs de crédit. L’offre et la demande de crédit étant toutes deux fonctions d’une même variable – le prix de l’actif – le volume de crédit peut augmenter sans que le coût du crédit ne bouge. Il n’y a pas de force de rappel. Cette montée aux extrêmes se traduit par une bulle spéculative qui n’est que la forme moderne du capital fictif analysé par Marx.
Un des thèmes majeurs de sa pensée économique est la question de la baisse tendancielle du taux de profit. La mondialisation des nouvelles technologies est-elle en train d’effacer la plus-value née de l’innovation ?
Pour Marx, l’innovation est le moyen de réduire la part des salaires (le capital variable)et d’augmenter le taux de plus-value. Mais l’innovation a pour effet de développer le capital constant (la valeur totale des équipements). Ainsi, la productivité a tendance à augmenter avec l’innovation, mais la valeur du capital constant augmente plus vite encore, d’où la baisse du taux de profit. Pour la retarder, il faut des innovations susceptibles d’économiser le capital. Ce n’est pas toujours simple. À la fin des années soixante, par exemple, on a connu une baisse du taux de profit lorsque la limite du taylorisme fut atteinte. Les nouvelles technologies de l’information ont vraiment décollé à la fin des années 80, elles se sont diffusées et sont devenues matures. Elles continuent à se diffuser dans les pays émergents, mais sous une forme standardisée, à des prix plus bas et à un rythme moins rapide : elles n’engendreront plus de profits très élevés. Donc l’analyse de Marx reste tout à fait pertinente à cet égard.
Le triomphe des oligopoles que sont les multinationales conforte-t-il aussi son analyse sur la concentration du capital ?
Il voyait se développer l’industrie lourde où les rendements d’échelle sont importants. En revanche, plus une économie a des secteurs d’activité innovants, plus le renouvellement des entreprises est rapide, ce qui est un antidote à la monopolisation. Le vrai danger aujourd’hui, c’est plutôt le processus de concentration dans la finance qui permet de devenir « trop gros pour faire faillite ».
La part des salaires dans le total de la valeur ajoutée est en baisse. Peut-on parler comme Marx de baisse relative des salaires ?
Marx pensait que la plus-value absolue, c’est-à-dire la baisse absolue des salaires ou l’augmentation du temps de travail à salaire constant (baisse relative), était un effet de l’accumulation primitive du capital et débouchait sur la prolétarisation. Ce phénomène s’observe encore dans les pays en voie d’industrialisation. Mais la baisse des salaires réels dans la valeur ajoutée reflète l’insuffisance des salaires réels par rapport à la productivité. C’est la forme de l’exploitation dans une économie capitaliste développée. L’utilisation à outrance du crédit pendant vingt ans a permis de dépasser ce problème en permettant aux gens de consommer plus que leur revenu et d’éviter ainsi un problème de demande effective.
Mais cette demande dopée par le crédit, n’est-ce pas une façon de résoudre la « surproduction structurelle » dont parlait Marx ?
Si nous n’avions pas eu cette expansion spectaculaire du crédit depuis la crise asiatique de 1998, il n’y aurait pas eu surproduction, mais croissance plus faible, moins d’investissement et moins de production. Mais le progrès technique est là à la fois pour baisser le coût du capital fixe, comme le disait Marx, mais également pour créer des espaces de consommation nouveaux qui relancent une nouvelle phase d’expansion, ce qui évite la surproduction chronique. Cela, Marx ne pouvait le prévoir. N’oublions pas qu’à son époque, la consommation des salariés, c’était la subsistance.
*Michel Aglietta est professeur émérite de sciences économiques. Spécialiste d’économie monétaire internationale, il est l’un des fondateurs de l’École de la régulation. Il a notamment publié « La Monnaie : entre dettes et souveraineté » (Odile Jacob, 2016).
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