EODE-RUSSIA/ 2018 03 20/

Avec EODE Observatoire des Elections/

Deux entretiens avec des analystes sérieux de la Russie, certes critiques vis-à-vis de Poutine mais objectifs, loin de la Russophobie hystérique …

REVUE DE PRESSE (II)/

VLADIMIR FEDOROVSKI :

« L’OCCIDENT A FAVORISE LA MOBILISATION DES RUSSES »

(LE POINT)

Extrait :

ENTRETIEN. Pour l’écrivain Vladimir Fédorovski, le président russe doit lancer des réformes internes, ne pas rompre avec l’UE et préparer sa succession.

« Poutine a été royalement élu ce dimanche. Mais il se trouve à une étape charnière », estime Fédorovski.

Ancien diplomate en poste, notamment à Paris, Vladimir Fédorovski fut aussi le traducteur de Léonid Brejnev lors de ses discussions avec les leaders du monde arabe comme Saddam Hussein ou le colonel Kadhafi. Dans les années 1990, il s’opposa à la ligne dure du Parti communiste de l’Union soviétique et du KGB, et fut le porte-parole du mouvement des réformes démocratiques pendant la résistance au putsch de Moscou d’août 1991. Idéologue de la perestroïka, il vit aujourd’hui en France, où il a publié des dizaines de livres sur l’histoire de la Russie et de l’Union soviétique, dont Au cœur du Kremlin, des tsars rouges à Poutine (éd. Stock) et Poutine de A à Z (éd. Stock). Pour Le Point, il analyse le succès dimanche de Vladimir Poutine, réélu pour un quatrième mandat. Entretien.

« Le Point : Vladimir Poutine l’emporte largement avec plus de 70 % des voix. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Vladimir Fédorovski : Poutine ressort de ces élections renforcé, tout-puissant. C’était prévisible. Les élections reflètent objectivement l’opinion publique russe. La hausse de la participation, que j’avais anticipée, est logique aussi. Elle est liée à cette étrange affaire de l’ex-espion russe. Par sa réaction, l’Occcident a clairement favorisé la mobilisation de la population russe. C’est une réaction psychologique typique des Russes : quand ils se sentent attaqués, ils réagissent en bloc. La crise actuelle a donc gonflé la participation à la présidentielle. Poutine n’a pas vraiment eu à mener de vraie campagne. Il a juste montré qu’il était l’anti-Boris Eltsine, symbole du désastre. Les Russes vivent dix fois mieux avec lui qu’avec Eltsine, l’homme de l’inflation et la corruption endémique. Vladimir Poutine a joué comme l’antithèse de cela. Il est aussi l’artisan du retour de la Russie sur la scène internationale. Le pays était bafoué sous Eltsine, Poutine a rétabli un certain respect pour la Russie.

La réaction de l’Europe à l’affaire de l’empoisonnement de l’ex-espion russe a beaucoup influencé le scrutin ?

Je pense que oui. L’Occident vit dans un monde imaginaire par rapport à la Russie. On a sous-estimé les effets de la réaction européenne. Poutine a joué sur l’image de la citadelle assiégée, une tradition russe déjà utilisée par Staline. Lancer un ultimatum de 24 heures était très amateur de la part des Anglais et de Theresa May. Cette crise aurait dû être gérée autrement. Il aurait fallu agir de manière plus professionnelle vis-à-vis de la Russie. C’est le rôle historique de la France d’y contribuer.

Aujourd’hui, il y a un réel risque de rupture entre l’Occident et la Russie.

Que devrait faire l’Europe ?

Il faudrait d’abord qu’elle arrête de s’inquiéter. Elle devrait prendre au mot Poutine quand il dit qu’il veut collaborer dans l’affaire de l’ex-espion. Elle ne doit pas rompre le contact afin de faire passer des messages. Crise en Corée, en Iran, au Proche-Orient… on ne peut pas manœuvrer sans la Russie. Vladimir Poutine est une réalité. Il faut donc rétablir le dialogue. Car le contexte actuel est un désastre. Et c’est beaucoup plus grave que pendant la guerre froide. À l’époque, il y avait des règles et on faisait la distinction entre la politique réelle et la propagande. Or, aujourd’hui, c’est confus. Les Russes sont mal perçus. Avant l’affaire de l’espion, il y a déjà eu Bill Clinton qui a sous-entendu que la Russie était une puissance de second ordre et Barack Obama qui a comparé le pays avec le virus Ebola. Aujourd’hui, les conséquences des déclarations européennes ne sont pas assez anticipées. Au Salon du livre à Paris, où j’étais, les écrivains russes se sont sentis blessés par le fait qu’Emmanuel Macron a ignoré le pavillon russe. Poutine utilise cette blessure. Aujourd’hui, il y a un réel risque de rupture entre l’Occident et la Russie. D’autant qu’en Russie, certains sont tentés de s’orienter de manière définitive vers la Chine.

Le communiste Groudinine, arrivé deuxième, a obtenu environ 13 % des voix, qu’en pensez-vous ?

C’est la Russie profonde qui vote, par nostalgie, pour les communistes. Certains Russes pensent encore que les démocrates s’apparentent à des voleurs. Cette idée profite aux communistes. La journaliste Ksénia Sobtchak a, de son côté, fait score honorable (1,4 %, NDLR). Mais l’échiquier politique a basculé du côté nationaliste.»

* Voir sur :

http://www.lepoint.fr/monde/reelection-de-poutine-l-occcident-a-favorise-la-mobilisation-des-russes-19-03-2018-2203594_24.php

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