LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2018 01 22/
« « Il existe des groupes terroristes qui nous prennent pour cible depuis les territoires irakien et syrien. Il relève donc de notre droit de se défendre en lançant des opérations militaires en plein sol d’Irak et de Syrie d’autant plus que les régions où l’armée turque mène ses opérations militaires appartenaient jadis à l’Empire ottoman »
– Erdogan (le 10 novembre 2017 ».
Alors que le gouvernement syrien a mis en garde la Turquie contre le lancement d’une opération militaire dans la province syrienne d’Afrin, affirmant être «prêt à détruire les avions turcs», la Turquie a commencé à envoyer les « rebelles armés » dans le nord de la Syrie. La bataillke d’Afrin commence. « Ankara est plutôt soucieuse de cette avancée de l’armée syrienne et la question de la menace kurde n’est qu’un prétexte », dit un expert syrien.
La Russie, qui voit le « processus d’Astana » se lézarder, s’est dite « préoccupée » par cette annonce et a appelé à la retenue ». Le ministère des Affaires étrangères a tenu à rappeler que « la Russie restera fidèle à sa position concernant la recherche des issues [au conflit] en Syrie, qui se base sur le maintien de l’intégrité territoriale et le respect de la souveraineté de ce pays » …
Au coeur du conflit en Syrie, de cette guerre commencée en 2011, qui se termine, et va déjà vers une seconde guerre, la position opportuniste et ambigüe d’Erdogan, partagé entre son projet géopolitique néo-ottoman (qui suppose l’alliance américaine et la défaite de Damas) et les exigences stratégiques immédiates du « containment » des kurdes.
* Lire aussi :
LUC MICHEL EN DEBAT SUR LE WEBSITE ‘LES 7 DU QUEBEC’ :
‘SYRIE, D’UNE GUERRE À L’AUTRE L’AGRESSION NE CESSE PAS!’ …
I-
CE QUE CHERCHE ET RISQUE LA TURQUIE A AFRIN ?
Pour Heitham Hassoun, expert militaire syrien et général de brigade à la retraite syrien, « la stratégie des États-Unis et de la Turquie en Syrie a changé et les deux pays sont arrivés à la même conclusion: le groupe terroriste Daech ne peut désormais plus rien faire pour eux, c’est pourquoi ils cherchent chacun à avoir une présence militaire directe en Syrie ». « Quant à la Turquie, dit l’intéressé, ce n’est pas les forces démocratiques kurdes (FDS) qui posent problème, car ces forces étaient déjà présentes sur le terrain depuis le début de la guerre en Syrie ».
Cet expert averti nous rappelle que « la Turquie avait même des coopérations avec certains membres de FDS, engagés dans le Bouclier de l’Euphrate, mais aujourd’hui Ankara se soucie d’autres choses ».
« La Turquie est confrontée actuellement à trois défis récemment déclenchés », note l’analyste militaire :
1- Tout d’abord, « ce sont les opérations militaires des forces syriennes dans la province d’Idlib visant à mettre fin à toute présence terroriste et militaire dans la région et plus précisément les forces du « Bouclier de l’Euphrate » qui sont en réalité le bras militaire de l’armée turque dans cette zone, qui ont inquiété Ankara. « Les Turcs savent bien que l’armée syrienne arrivera bientôt dans la région d’Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie et le sort qui attend ces forces armées à la solde d’Ankara est bien claire. C’est pourquoi la Turquie est plutôt soucieuse de cette avancée de l’armée syrienne et la question de la menace kurde n’est qu’un prétexte ».
2- Pour l’analyste militaire syrien, « l’autre chose qui préoccupe aujourd’hui les Turcs, c’est perdre l’initiative dans les évolutions syriennes ».
3- À cela s’ajoutent d’autres préoccupations liées aux futures négociations pour la paix syrienne à Sotchi, auxquelles sont invitées plus de 33 organisations et près de 1.700 personnalités politiques. « Le voisin turc sait bien qu’avec l’avancement vers un règlement politique en Syrie, il va perdre l’initiative dans ces évolutions et que son rôle et son influence dans les négociations seront affaiblis, ce qui est aussi le cas pour les États-Unis qui se sont récemment activés en Syrie au moment où Daech s’est effondré sur le terrain ». « Ce n’est donc pas étonnant si Ankara cherche à suspendre ou saper les pourparlers pour la paix en Syrie », précise le spécialiste militaire syrien.
Autre problème auquel se heurte Ankara, c’est, selon l’expert, « la présence militaire russe dans la région d’Afrin, une présence qui neutralise tout plan turc visant à pénétrer dans le territoire syrien, car tout accès des militaires turcs dans cette zone signifie l’affrontement avec les forces russes ». « La Turquie cherche aujourd’hui, répète-t-il, à adopter la même stratégie en Syrie que celle des Etats-Unis ». « On sait bien que pour assurer leurs intérêts, les États-Unis ont créé les forces démocratiques syriennes (FDS) dans le nord-est de la Syrie. Les mêmes ambitions chez les Turcs avec leurs forces du bouclier de l’Euphrate et les tentatives de rester dans la province frontalière d’Idlib au nord-est de la Syrie », conclut-il enfin.
LA TURQUIE DEPLOIE SES MERCENAIRES « REBELLES SYRIENS » A AFRIN
Les premières images diffusées par la chaîne d’information britannique ‘Sky News’ montrent que l’armée turque a lancé dans la nuit de vendredi à samedi des attaques à l’artillerie contre la ville syrienne d’Afrin. Selon le ministre turc de la Défense, Nurettin Canikli, les batteries d’artillerie turques ont commencé à pilonner des positions des éléments kurdes du YPG (Unités de protection du peuple) à Afrin. Il a prétendu « que la Turquie poursuit ses coordinations avec la Russie pour cette opération ».
Selon les sources turques, les éléments armés d’Ankara sont partis depuis Hatay pour se diriger vers Afrin. Des sources d’information syriennes ont annoncé que « les terroristes formés par les services secrets turcs (en turc MİT) sont arrivés aux frontières communes entre la Turquie et la Syrie pour affronter les YPG ». « Des bus à bord desquels se trouvaient des centaines de terroristes, des dizaines de chars, de véhicules blindés, des mortiers et des batteries d’artillerie ont été dépêchés sur les frontières turco-syriennes pour occuper Afrin », selon les sources syriennes.
Selon la chaîne arabophone iranienne ‘Al-Alam’, ce qui se produit à Afrin « est lié aux victoires de l’armée syrienne et ses alliés sur le champ de bataille ». « L’opération militaire a commencé, depuis quelques jours, dans la banlieue sud d’Idlib et elle se poursuivra », a expliqué le reporter d’Al-Alam, avant d’indiquer que « L’armée syrienne appuyée par ses alliés a sécurisé plusieurs districts et collines dans la périphérie des provinces de Hama, Idlib et Alep. »
L’armée syrienne a progressé dans la périphérie du sud-est d’Alep et libéré le village d’Um Sanabil et ses hauteurs stratégiques. Les effectifs de l’armée syrienne ont également coupé les lignes d’approvisionnement des groupes terroristes dans la banlieue du nord-est de Hama et ils sont arrivés à 6 kilomètres de l’aéroport militaire d’Abu al-Duhur.
LE PRETEXTE DES YPG KURDES
Après deux jours de bombardements, la Turquie a donc lancé une opération militaire terrestre dans le nord de la Syrie, a annoncé samedi le président Erdogan. Les chasseurs F-15 turcs ont visé des abris et des caches utilisés par les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), le Parti kurde de l’Union démocratique (PYD) et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Les forces armées opposées au gouvernement syrien les soi-disant « rebelles » de l’ASL) ont rejoint l’armée turque pour participer à l’intervention militaire d’Ankara dans le nord de la Syrie. Les opposants syriens, soutenus par la Turquie, ont pris part à l’opération d’Afrin. Des sources locales dans le Rif septentrional d’Alep ont rapporté, ce samedi 20 janvier, « qu’environ 400 éléments de l’opération « Bouclier de l’Euphrate » étaient entrés vendredi en Turquie pour assister l’armée turque dans son intervention terrestre à Afrin ».
Dans ce droit fil, la chaîne qatarie ‘Al-Jazeera’ vient d’annoncer que « la Turquie a convoqué les ambassadeurs iranien et russe pour des consultations sur l’opération turque à Afrin ». Selon ce rapport, simultanément au lancement de l’opération militaire d’Ankara contre les miliciens kurdes dans le nord de la Syrie, la Turquie aurait « informé ses alliés iranien et russe. La diplomatie turque affirme avoir informé Damas de son opération à Afrin ».
II-
WASHINGTON LACHE LES KURDES A AFRIN
La coalition américaine a annoncé, ce mardi 16 janvier, que la ville syrienne d’Afrin, contrôlée par les Kurdes de Syrie, « ne faisait pas partie du champ d’action des Américains ». Autrement dit, et comme nous l’annoncions dans une précédente analyse, Washington va sacrifier ses « alliés » kurdes à l’alliance fondamentale stratégique avec la Turquie !
ERDOGAN EN LIAISON AVEC TILLERSON
Par ailleurs, les ministres turc et américain des Affaires étrangères se sont entretenus au téléphone, après le lancement de l’opération turque à Afrin. Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Çavusoglu et son homologue américain Rex Tillerson ont passé en revue les dernières évolutions dans la région, simultanément au début des attaques terrestres et aériennes de la Turquie à Afrin.
Pour rappel, Ankara est toujours un membre important de l’OTAN et abrite ses forces …
« AFRIN NE FAIT PAS PARTIE DE NOTRE CHAMP D’ACTION » (COALITION US)
Selon l’agence de presse iranienne ‘Fars’, « en réponse à la question sur le soutien éventuel de la coalition américaine aux éléments kurdes des Unités de protection du peuple, YPG, à Afrin, en cas d’intervention de l’armée turque », le porte-parole de la coalition US, le colonel Ryan Dillon, a déclaré : « Afrin ne fait pas partie de notre champ d’action. Nous continuons à soutenir nos alliés (sic) dans le but de conquérir les poches de Daech, le long de la vallée du Moyen-Euphrate, et surtout dans le nord d’Abou Kamal ainsi que dans l’est de l’Euphrate.. Lui qui assistera les 17 et 18 janvier à la réunion du comité militaire de l’OTAN à Bruxelles a encore déclaré que « l’examen de la situation militaire aux frontières syro-turques serait à l’ordre du jour ».
Auparavant, le chef d’état-major de l’armée turque Hulusi Akar qui se trouve à Bruxelles pour la réunion des chefs de la défense des pays membres de l’OTAN, avait déjà averti que son pays » ne permettrait pas que les éléments des YPG en Syrie soient armés », car « ils sont liés au groupe terroriste du PKK ».
Ce dimanche 14 janvier, les États-Unis ont annoncé avoir l’intention de former une nouvelle armée kurde, composée de 30.000 éléments au nord-est de la Syrie. Plus tôt dans la journée, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué, lors de la réunion du groupe parlementaire de son Parti pour la Justice et le Développement (AKP), que son pays « détruira prochainement les repaires des terroristes en Syrie, commençant par les villes d’Afrin et de Manbij, dans le Rif du nord de la province d’Idlib ». Erdogan avait prévenu « d’une opération imminente ciblant Afrin », après que la coalition US a annoncé qu’elle coopérerait avec «les Forces démocratiques syriennes (FDS)», pour former une nouvelle force frontalière dans le nord de la Syrie formée de 30.000 hommes.
II-
LE GOUVERNEMENT SYRIEN CONTRE L’INTERVENTION TURQUE EN SYRIE
« Nous avons informé toutes les parties de ce que nous faisons. Nous informons même le régime syrien par écrit », a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. « La Syrie nie complètement les allégations du régime turc selon lesquelles il l’a informée de cette opération militaire », a rétorqué le ministère syrien des Affaires étrangères !
DAMAS A ANKARA : « LES CHASSEURS TURCS A AFRIN SERONT PRIS POUR CIBLE »
Le journal ‘Al-Binaa’ a écrit que « l’avertissement adressé par la Syrie à la Turquie va faire disparaître des jeux politiques étrangers la controverse sur la prise de contrôle de la Syrie et dire à tous que la souveraineté syrienne n’est pas négociable ». Selon l’article d’Al-Binaa, la Syrie a mis en garde « contre toute atteinte à son intégrité territoriale, sa souveraineté et son espace aérien » : les avions de chasse turcs attaquant la ville d’Afrin sous prétexte de lutter contre les séparatistes kurdes « seront visés par les systèmes de défense aérienne syriens ».
Le journal ‘Al-Binaa’ a écrit dans cet article, rédigé par Nasser Qandil, que « l’absence de réaction des médias turcs aux déclarations de Fayçal Meqdad, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, n’enlève rien à l’importance et à la justesse des propos de ce dernier ». Meqdad a annoncé que « l’armée syrienne était déterminée à attaquer les chasseurs turcs qui se lanceraient dans une attaque de la ville d’Afrin sous prétexte de lutter contre les séparatistes kurdes ».
Mais ce discours a suffi pour que des membres des services secrets turcs se rendent à Moscou pour rencontrer leurs homologues russes. Les Turcs savent bien qu’il faut prendre au sérieux les déclarations des responsables syriens. « Les Turcs savent aussi que si les discours des responsables syriens et ceux des responsables russes n’ont pas été coordonnés à l’avance, les relations existant entre la Syrie et la Russie ne permettront jamais à la Turquie de pouvoir s’interposer entre ces deux alliés ».
Il n’est pas non plus dans l’intérêt de Moscou de fermer les yeux sur les demandes syriennes, « car cela affaiblirait la légitimité de leur présence en Syrie ». La Syrie, elle, sait bien que « certains essaient de mettre ses alliés dans une position délicate ».
Les Turcs ont à maintes reprises tenté de faire la sourde oreille à la demande de Damas et de ses alliés, qui exigeaient un retrait de leurs troupes du sol syrien. « Et là, une fois de plus, les Turcs agissent par orgueil. La Syrie est responsable devant son peuple de protéger son territoire et sa souveraineté. Elle veut dire par là aussi à ses alliés qu’il y a des choses à régler tout de suite et pas une fois que ce sera trop tard. En effet, si jamais les chasseurs turcs entrent à Afrin, ce sera non seulement au détriment de la Syrie, mais également des forces russes ».
(Sources : SANA – Fars – CNN – EODE Think-Tank)
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