Luc MICHEL/En Bref/ 2018 01 03/
La loi antiterroriste qui remplace l’état d’urgence est ce « Patriot Act à l’européenne » que nous dénoncions et annoncions depuis deux ans ! C’est l’état d’urgence liberticide permanent, où le terrorisme n’est qu’un prétexte, et la mise au pas des dissidences le but réel …
Approuvé le 3 octobre par l’Assemblée nationale française, la Loi antiterroriste va prendre la suite de l’état d’urgence tout en conservant les grandes dispositions ce celui-ci.
Pourquoi privilégier un nouveau projet de loi plutôt que de prolonger l’état d’urgence ?
L’état d’urgence est censé être un régime d’exception, une mesure temporaire, mais il a été renouvelé 6 fois en 2 ans !
Vers une « banalisation » des mesures exceptionnelles !
L’évolution historique des dispositifs antiterroriste en France montre qu’à chaque fois que l’Etat a été confronté à une nouvelle vague de violences radicales – pendant la Guerre d’Algérie, ou les attentats terroristes des années 1980/1990 – il a multiplié les mesures répressives d’exceptions, puis les a transposées dans le droit commun sous prétexte que le dispositif antérieur était insuffisant. Résultat : plus de 20 législations antiterroristes en 30 ans !
LE PRETEXTE DE LA GUERRE AU TERRORISME
Il y a ainsi un certain intérêt politique à empiler les lois : chaque nouvelle menace est l’occasion de montrer que le gouvernement n’est pas « laxiste » face au terrorisme et qu’il ne manque pas d’idées pour le combattre. La menace terroriste étant diffuse, et sa fin quasi impossible à prévoir, il est difficile politiquement de sortir de l’état d’urgence en laissant penser que l’Etat n’a rien prévu derrière, même si selon de nombreux spécialistes du droit et des sciences politiques, l’arsenal de lois antiterroristes existant serait suffisant.
De fait, le Parlement, en entérinant cette nouvelle loi antiterroriste, inscrit une nouvelle fois l’exception dans le droit. Et l’exception qui se « banalise » se traduit aussi par un glissement : de la répression qui était avant tout judiciaire, aux mains des juges, à une situation de justice policière et administrative dominée par les services de renseignement, les préfets, le ministère de l’Intérieur. C’est une dynamique historique de l’antiterroriste français.
Quelles sont les dispositions présentes dans ce projet de loi qui portent à controverse ?
Cette loi qui renforce dans son ensemble les pouvoirs de l’exécutif aux dépens des pouvoirs judiciaires est vue comme une énième loi liberticide par l’extrême gauche et un certain nombre d’associations. Notamment cette nouvelle disposition qui touche à la liberté de circulation : à 20 km des passages frontaliers (ports, aéroports), des contrôles d’identité pourront être réalisés sans justification. Les associations redoutent que cette mesure vise, implicitement, à lutter contre l’immigration clandestine.
Quant au respect de la vie privée, Amnesty International, entre autres, tire la sonnette d’alarme : le projet de loi prolonge jusqu’en 2020 la possibilité pour les renseignements de surveiller les communications hertziennes entre un téléphone portable et une antenne-relais. Les personnes « suspectées » devront également livrer à la police leurs identifiants et mots de passe pour tout compte internet.
Les polémiques « périmètres de protection » :
Ces zones protégées par des barrières par les forces de l’ordre lors de grands évènements comme l’Euro ou certains concerts en plein air sont appelés dans la nouvelle loi « périmètres de protection ». Les Français ont pris l’habitude de se faire fouiller, filtrer, palper même, mais cette disposition est très controversée, car elle est très floue. Ces zones devront être situées « aux abords d’un lieu ou d’un évènement soumis à un risque d’acte de terrorisme en raison de sa nature ou de l’ampleur de sa fréquentation ». On peut imaginer que tout lieu « collectif » pourrait être soumis à ces contrôles : lieux de culte, écoles, restaurants… Et qu’en sera-t-il des manifestations ? On peut considérer qu’il peut toujours y avoir un risque d’attentat, vu l’importance des foules dans un lieu localisé. C’est pour cela que les opposants au texte alertent sur les dérives possibles de cette mesure, sur le fait qu’elle puisse être utilisée pour contenir l’opposition politique ou aller à l’encontre de militants.
Comme dit l’adage, « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup ». L’inquiétude, c’est que cette mesure dépasse le cadre de l’anti-terrorisme (de l’anti-djihadisme, en fait) pour s’appliquer à tous, partout, et de manière assez opaque.
LUC MICHEL/ ЛЮК МИШЕЛЬ/
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