Luc MICHEL pour EODE Think Tank/
2017 02 10/
Le Yémen, une tragédie sur laquelle les médias de l’OTAN restent fort discrets. C’est pourtant la seconde guerre « chaude » du Proche-Orient après la Syrie !
Là aussi c’est l’oeuvre des saoudiens et des américains, les britanniques et le Brésil (comprendre que les BRICS ne sont pas une réalité géopolitique) fournissant les bombes;
Là aussi c’est une des « belles réussites » du soi-disant printemps arabe » (sic);
Ici aussi américanisme, atlantisme et wahhabisme, main dans la main, ont détruit un régime stable, multiconfessionnel, celui du président nationaliste Saleh;
Ici aussi un « axe de la résistance » – milices Houthi (populations chiites yéménites), armée sunnite de président Saleh chassé en 2011, tribus et minorités diverses – combat le fondamentalisme et l’agression occidentale …
* Voir sur EODE-TV/
LUC MICHEL : GEOPOLITIQUE.
GUERRE DU YÉMEN ET CHOC TEHERAN-RYAD (SUR AFRIQUE MEDA)
sur https://vimeo.com/152874189
* Voir sur EODE-TV/
GEOPOLITIQUE/ LUC MICHEL:
YÉMEN. L’AUTRE GUERRE DU PROCHE-ORIENT
(AFRIQUE MEDIA, LE DEBAT PANAFRICAIN, 27 DEC. 2015)
sur https://vimeo.com/150869206
# A L’ORIGINE DIRECTE DE LA GUERRE AU YÉMEN :
LE PROJET AMERICAIN DIT DU « GRAND MOYEN-ORIENT » EN ACTION …
La guerre d’agression impérialiste actuelle de la coalition dirgée par les Saoudiens et parrainée par les Américains, est issue d’un processus de « somalisation » du Yémen, qui a fait suite à une guerre civile.
Au Yémen, le soi-disant « printemps arabe » a consisté, dans un pays déjà fragmenté par 50 ans de guerres et de sécession, à chasser du pouvoir un régime enfin stabilisé, celui du Président Saleh. Là aussi une « transition » en forme de changement de régime : « Après le départ de l’ancien président Saleh, l’arrivée au pouvoir de M. Hadi constitue une nouvelle étape du processus de transition politique », commentait alors LE MONDE (Paris, juin 2012).
ICI AUSSI LE « PROCESSUS DE TRANSITION » EN ACTION
Précisons que le terme « processus de transition » est une notion complexe qui, à l’origine, envisageait la transformation des régimes socialistes en « démocraties de marché » occidentales. Au départ dans l’Est européen post-soviétique, puis aujourd’hui, où le terme est remis à l’ordre du jour, au Proche-Orient et en Afrique (1).
Au Yémen c’est un processus totalement irresponsable, organisé par des apprentis-sorciers américains au mépris du contexte yéménite fragmenté, véritable poudrière géopolitique.
Quelles sont les lignes de fragmentation ?
* Tout d’abord, comme en Allemagne, existaient deux Yémen, dont la RPDY, la République démocratique populaire du Yémen (1970-1990), ayant pour capitale Aden, soutenue par Nasser, Etat marxiste arabe qui avait des liens étroits avec l’URSS (la disparition de l’URSS ayant été évidemment suivie de celle de la RDPY). La réunification s’étant faite définitivement par la force en 1994, avec une guerre civile sanglante imposée par Saana.
* Ensuite, un Mouvement sudiste, né ces dernières années, réclame l’autonomie du Sud, mais sa tendance dure, dirigée par l’ancien vice-président Ali Salem Al-Baïd, milite pour une sécession et s’oppose au dialogue national, convoqué en mars 2013 à Sanaa avec la question sudiste en tête de son ordre du jour.
* Le dialogue national, auquel participent quelques composantes du Mouvement sudiste, est censé « élaborer une nouvelle Constitution et préparer des élections pour février 2014 », à la fin « d’une période de transition de deux ans ». « Transition » sur le modèle de la Libye du CNT, elle-même inspirée du processus de liquidation des structures soviétiques ou titistes-socialistes en Europe orientale dans les Années 1990 (2).
Ce dialogue est prévu par l’accord politique qui a permis le départ de l’ancien président Ali Abdallah Saleh en février 2012 après un mouvement de contestation populaire transformé en « révolution de couleur » contre son régime.
LE CHEMIN VERS LA GUERRE :
UNE ELECTION PRESIDENTIELLE VIRTUELLE QUE L’OCCIDENT AVALISE …
Ce 25 février 2012, les médias de l’OTAN annonçaient : « Yémen/présidentielle: Abd Rabbo Mansour Hadi élu à 99,8% des voix … » ! Outre un score de dictature qui ne choque pas dans ce cas ci la presse occidentale, voilà encore une des ces élections virtuelles organisée par l’Occident et ses alliés. Mais les mêmes critiquent sans fin la Démocratie dirigée russe …
L’unique candidat à la présidentielle yéménite, celui des USA et de l’OTAN, de ses alliés fondamentalistes arabes du Qatar et d’Arabie saoudite, le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi, issu de l’aile du régime yéménite proche des américains, a été élu à 99,8% des voix, avait alors annoncé la commission électorale nationale à Sanaa. Selon les résultats définitifs, 6.635.192 électeurs sur les 10.243.364 auraient pris part au scrutin, soit un taux de participation de 66%. Sur les votes validés, 99,8% sont allés à M. Hadi, selon la même source. Hadi était le seul candidat pour succéder à Ali Abdallah Saleh dans le cadre d’un accord de transition élaboré par les monarchies du Golfe, et dont le Qatar était le maître d’œuvre.
Une « élection », avec un candidat unique, qui est boycottée dans le Sud et non organisée dans le nord, dans la province de Saana qui a proclamé son autonomie, et dans les villes contrôlées par Al-Qaida, est évidemment une élection virtuelle ! Ceci d’autant plus qu’elle est alors censée « amorcer un processus de réconciliation » (sic). « Dans le sud du Yémen, le mouvement séparatiste a toutefois multiplié les violences, entraînant la mort de plusieurs personnes et la fermeture de nombreux bureaux de vote. Le rôle des services de sécurité dans cette escalade n’était pas clairement établi. Dans le nord du pays, l’appel à un boycottage lancé par un groupe rebelle aurait été suivi », reconnaissait le très pro occidental LE MONDE.
ENCORE UN FRUIT AMER ET EMPOISONNE DU SOI-DISANT « PRINTEMPS ARABE » !
L’élection de M. Hadi pour une période transitoire de deux ans fait du Yémen le premier pays arabe où un soulèvement aboutit à une solution dite « négociée ». Ce soulèvement était appuyé et organisé précisément par le Qatar, avec le soutien discret de l’Occident.
Après l’Egypte et la Libye, c’est un nouveau régime (agonisant) issu du Nationalisme arabe (de type nassérien) qui est remplacé par le système politique prôné par les USA dans le cadre de leur projet dit du « Grand Moyen-Orient » : l’association de militaires pro occidentaux (verrouillant le système) et d’un parlement sous contrôle ouvert aux islamistes radicaux. Le but étant de dissocier l’aile parlementariste des islamistes (Frères Musulmans, Salafistes, etc) de sa base radicale djihadiste (liée à Al-Qaida ou AQMI, son aile nord-africaine).
LE YÉMEN EN VOIE DE SOMALISATION
Cette élection virtuelle ne résout rien dans un pays profondément divisé entre :
* Nationalistes arabes (les partisans du président sortant qui a capitulé – en échange d’une immunité et du maintien de ses partisans dans l’armée et l’appareil d’état – et de son « Congrès Général du Peuple », l’ex parti dirigeant) ;
* fondamentalistes soutenus par le Qatar et les USA (ceux du parti islamiste Al-Islah, hégémonique au sein de l’opposition) ;
* minorités Houthis, la forme chiite au Yémen et sur la Frontière saoudienne avecce pays, minorité puissante, avec ses milices, un leadership clanique charismatique, et disposant du soutien discret mais puissant du frère chiite iranien. Les houthis sont une rébellion islamique « à l’iranienne », née en 2004 – celle du du Mouvement houthi -, chiite cette fois, qui a proclamé une république autonome dans le Nord Yémen (à quelque 150 km de la capitale Sanaa !), qui est un « quasi-Etat houthi de facto » ;
* dans le Sud, où existait la République démocratique populaire du Yémen, un mouvement sécessionniste né en 2007 veut aussi reprendre son autonomie ;
* Djihadistes d’Al-Qaida (AQPA, al-Qaida dans la Péninsule Arabique), qui contrôlent alors plusieurs villes et mènent une insurrection islamiste radicale puissante, la Guerilla d’Al-Qaida au Yémen n’en étant plus alors au stade du terrorisme mais à celui d’une insurrection sur le modèle afghan. « Les djihadistes sont les derniers arrivés sur la scène yéménite en 2009. Après la restructuration des branches saoudienne et yéménite d’Al-Qaida dans la péninsule arabique et profitant de la déliquescence de l’Etat, ils sont entrés dans une phase active de contrôle du territoire ». Ils se diviseront bientôt comme en Syrie entre partisans de Daech et faction yéménite ralliée aux occidentaux.
Dans un éditorial de février 2012, j’avais longuement analysé la désagrégation de l’Etat yéménite (3), inscrite dans le projet US dit du « Grand Moyen Orient » et en voie de réalisation via le scénario stratégique opérationnel du soi-disant « printemps arabe ». Après l’Egypte et la Libye, le Yémen est un régime (agonisant) de plus, issu du Nationalisme arabe (de type nassérien), qui est remplacé par le système politique prôné par les USA dans le cadre de leur projet du « Grand Moyen-Orient ». J’y décrivais la désagrégation du Yémen, un pays profondément divisé, dans un processus de guerre civile larvée, autour de factions armées antagonistes.
La présidentielle « malgré tout » voulue par les occidentaux sert de déclencheur à la fragmentation, puis à la « somalisation » du pays : « L’élection présidentielle a mis en lumière l’assise des deux principaux mouvements sécessionnistes yéménites ayant appelé au boycottage. Au nord, à quelque 150 km de la capitale Sanaa, la rébellion chiite du mouvement houthi, entrée dans un cycle de violences contre l’Etat depuis 2004 » et qui « a profité de la contestation pour installer une République au nord, dans la province de Saada, qui est un quasi-Etat houthi de facto », explique Dominique Thomas (spécialiste du Yémen et des mouvements islamistes dans la péninsule arabique à l’Ecole des hautes études en sciences sociales). Ils ont appelé au boycottage de l’élection, dénonçant « un processus de transition imparfait » et réclamant « un système fédéral et une autonomisation ». Leur constitution récente en parti politique pourrait amorcer un changement. Leur force de mobilisation est grande face à la frustration de la population locale et le revivalisme religieux.
Mais la descente aux enfers du Yémen ne s’arrête pas encore là ! Car le Sud, où existait la République démocratique populaire du Yémen (1970-1990), veut aussi reprendre son autonomie.
UN NOUVEAU PRESIDENT FANTOCHE TENU PAR LES AMERICAINS ET LES QATARIS …
L’ex vice-président du Yémen, Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a trahit le président Saleh, accède à l’été 2012 à la présidence. C’est un militaire de carrière sans aucune base populaire ou tribale, et dépendant totalement de ses soutiens extérieurs américain et qatari. Agé alors de 57 ans, discret, il s’est imposé durant les quatre mois d’absence du président Ali Abdallah Saleh, grièvement blessé lors d’un attentat (fort opportun pour les américains) en juin 2012 dans la guerre civile rampante qui frappe le Yémen. Il avait « notamment peaufiné son image d’homme jouissant du respect de l’ensemble des acteurs politiques, opposition comprise » (dixit LE MONDE).
L’homme est en effet « tenu » par un passé marxiste qu’il a du faire oublier. Au sein de l’armée, il a su gravir les échelons sous la République démocratique populaire du Yémen (1970-1990), seul Etat marxiste arabe qui avait des liens étroits avec l’URSS. Nommé ministre de la Défense en 1994 après la réunification, il secondera ensuite sans état d’âmes le président Saleh juqu’au « printemps yéménite ».
SOMALISATION ET « THEORIE DU CHAOS »
La situation du Yémen rappelle tragiquement précisément cette Somalie, qui servit de laboratoire au Nouvel Ordre Mondial US (4). Ou comment démembrer un Etat que l’on ne peut contrôler.
Dans une Somalie aujourd’hui démembrée en cinq états fantoches (Somalie résiduelle – un état failli -, Somaliland, Jubaland, Puntland et autre Somalie du sud-ouest), livrée au chaos, les milices Shebab islamistes achèvent un pays à l’agonie assassiné par Washington et ses complices, ONU, NATO et cie … Sans oublier les frappes aveugles des drones d’Obama (comme au Pakistan), qui font principalement des victimes civiles innocentes. Qui se souvient aujourd’hui du puissant Etat somalien en développement du régime socialiste de Siyaad Barre ?
Derrière le chaos somalien, il y a une théorie, la « théorie géostratégique du chaos » (à ne pas confondre, ce que font beaucoup, avec la « Géopolitique du chaos », qui est une grille d’analyse des Balkans lors de l’éclatement des Iie (Tito) et IIIe Yougoslavie dans les années 1990-2002), qui est mise en place pour la première fois en Somalie à partir de 1992. Cette théorie du Chaos c’est le plan B du projet du « Grand Moyen Orient ». Le pseudo « printemps arabe » en étant le plan A.
Les deux ont été mis en œuvre successivement au Yémen (Comme en Libye, en Syire, mais aussi au Mali et en Centrafrique …) ; Précisément dans ce Yémen qui fait face à la Somalie sur l’autre rivage du Golfe d’Aden …
DE LA GUERRE CIVILE A LA GUERRE D’AGRESSION AMERICANO-SAOUDIENNE …
La guerre civile reprend alors en 2014, principalement entre les milices chiites houthis et le pseudo gouvernement central. Dans un Yémen où une partie bascule dans les mains djihadistes, qui se diviseront heureusement avec la naissance de « l’état islamique ». Le tournant sera le front uni en septembre 2014 entre les Houthis et … l’armée nationale sunnite, dont l’ex président Saleh a repris le contrôle. Le front uni s’empare de la capitale. Le gouvernement, avec l’aide des américains et des saoudien, se réfugie dans la capitale économique Aden, et y transfère la capitale politique. Las, début 2015, le front uni est dans les feaubourgs d’Aden et l’armée de Saleh en prend l’aéroport.
Le temps est alors venu pour les Saoudiens et les américains, qui perdent la main, de lancer une guerre d’agression directe en mars 2015, accompagnée de bombardements sauvages, de crimes de guerre. Ils empêchent alors la chute d’Aden. Téhéran, avec l’accord tacite de Moscou, arme et soutient le front yéménite, qui organise un « gouvernement d’union nationale », le Conseil suprême, en septembre 2016. Sur la frontière, en territoire saoudien, une insurrection latente des populations chiites appuie les houthis. C’est le dernier acte de la tragédie yéménite !
Luc MICHEL / EODE THINK TANK
NOTES ET RENVOIS :
(1) (2) Sur le processus de transition, au Belarus (où le président Lukashenko l’a arrêté), en Yougoslavie et en Libye notamment, j’ai donné récemment une longue analyse intitulée “Le Modèle du Belarus comme alternative à la Globalisation”, à Minsk, le 5 mai 2011, à l’occasion de la Conférence internationale “THE PROSPECTS OF THE EASTERN PARTNERSHIP”. Elle a été filmée pour PCN-TV et est disponible sur son site.
Cfr. International conference “The prospects of the Eastern partnership” – Minsk 5.05.2011 :
Conférence de Luc MICHEL (PART.1 – 2 – 3) reprise sur PCN-NCP-TV,
sur “Le Modèle du Belarus comme alternative à la Globalisation”
http://www.dailymotion.com/video/xjjkaz_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-1_news
http://www.dailymotion.com/video/xjjlfo_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-2_news
http://www.dailymotion.com/video/xjjmbi_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-3-conclusion_news
(3) A lire en complément de cette analyse :
Luc MICHEL, GEOPOLITIQUE / YÉMEN : LE PROJET AMERICAIN DU « GRAND MOYEN-ORIENT » EN ACTION …
2e réédition sur http://www.lucmichel.net/2013/07/07/luc-michel-focus-geopolitique-Yémen-le-projet-americain-du-grand-moyen-orient-en-action/
(4) Sur le processus de « somalisation » :
Luc MICHEL / FOCUS / GEOPOLITIQUE : SOMALIE 2013, NOUVELLES DU LABORATOIRE DU NOUVEL ORDRE AMERICAIN EN AFRIQUE ET AU « GRAND MOYEN-ORIENT »
Sur http://www.elac-committees.org/2013/03/22/luc-michel-focus-geopolitique-somalie-2013-nouvelles-du-laboratoire-du-nouvel-ordre-americain-en-afrique-et-au-%c2%ab-grand-moyen-orient-%c2%bb/
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# EODE ORGANISATION :
* EODE-TV :
https://vimeo.com/eodetv
* ЕВРАЗИЙСКИЙ СОВЕТ ЗА ДЕМОКРАТИЮ И ВЫБОРЫ (ЕСДВ)/
EURASIAN OBSERVATORY FOR DEMOCRACY & ELECTIONS
(EODE) :
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