LM/ PANAFRICOM/
Confidentiel Afrique/ 2017 02 01/

Fin de parcours pour cet ancien premier ministre de la dictature de Mobutu, devenu l’homme des occidentaux au Congo …

“Tous les jours de ma vie, j’ai rêvé de devenir Président de la République”, avait-il avoué lors de la campagne présidentielle de 2011 – la seule à laquelle il participa. Etienne Tshisekedi est mort ce mercredi 1er février 2017 à 17h42 à Bruxelles, sans avoir réalisé son rêve malgré “30 ans” de lutte égoïste et erratique. Selon Félix Tshisekedi, son fils interrogé par Jeune Afrique, il aurait succombé à une embolie pulmonaire.

MINISTRE ADJOINT A LA JUSTICE DE LA DICTATURE DE MOBUTU

Né en 1932 à Kananga (Kasaï occidental) d’un père catéchiste, il fut l’un des premiers docteurs en Droit sortis de l’université Lovanium de Kinshasa. Mais il était encore étudiant lorsqu’il devint ministre adjoint de la Justice après le premier coup d’Etat de Mobutu, de septembre 1960 à février 1961. « Ses adversaires l’accusent d’avoir participé, en tant que tel, à l’envoi des compagnons de Lumumba – contre lequel il exige de la fermeté – vers le Sud-Kasaï sécessionniste, où ils connurent un sort funeste » dit l’AFP. Etienne Tshisekedi était entré dans la vie politique en 1958-59 comme “conseiller” du MNC-Kalonji, du nom d’un dissident fédéraliste kasaïen. De 1960 à 62, Albert Kalonji dirigea la sécession kasaïenne; son premier gouvernement, rendu public en juin 1961, annonce Etienne Tshisekedi au poste de ministre de la Santé. Mais il semble que celui-ci ait préféré exercer, à Léopoldville, les fonctions de recteur de l’Ecole nationale de droit et d’administration.

COMPLICE DE LA PENDAISON DES “MARTYRS DE LA PENTECOTE”

Au second coup d’Etat de Mobutu, en novembre 1965, Tshisekedi devient ministre de l’Intérieur, jusqu’en août 1968. C’est sans état d’âme qu’il justifiera, face à la caméra, la pendaison publique, en 1966, des “Martyrs de la Pentecôte”, trois ex-ministres et l’ex-Premier ministre Evariste Kimba, accusés de “complot” contre Mobutu.

UN BARON DU MOBUTISME LOIN DE LA LEGENDE OCCIDENTALE DU “GRAND OPPOSANT“

Il est un des barons du mobutisme. En 1967, il est ainsi un des rédacteurs de la Constitution qui met fin au multipartisme pour n’admettre que deux partis au maximum – une idée que Tshisekedi tentera en vain d’imposer à la place du multipartisme, admis en 1990. Il participe à la création du Mouvement populaire de la Révolution (MPR) et ne bronchera pas lorsque ce dernier devient parti unique en 1970. Et pour cause: depuis deux ans, et jusqu’en 1972, il en est le secrétaire national, tout en acceptant une ambassade au Maroc, puis le poste de vice-président de l’Assemblée nationale, jusqu’en 1974. De 1977 à 1980, il sera aussi président du conseil d’administration d’Air Zaïre.

C’est dans la seconde moitié des années 70 que celui que Mobutu appelait “l’aigri” change de camp. En 1980, il signe, avec douze autres parlementaires, une lettre à Mobutu réclamant la démocratisation du régime; tous sont relégués en province. Deux ans plus tard, ils créent l’UDPS, l’Union pour la démocratie et le Progrès social. Cela leur vaudra une condamnation à 15 ans de prison, suivie d’une amnistie en 1983.

APRES MOBUTU

En 1992, Etienne Tshisekedi est élu Premier ministre par 70% des 2800 membres de la Conférence nationale souveraine, mise sur pied dans le sillage de l’ouverture au multipartisme décidée en 1990 par Mobutu, toujours habile à flairer le vent. Cette consécration est aussi le commencement de la chute. Les années qui suivent ne seront, en effet, plus celles de la confrontation brutale entre le dictateur et lui, mais un jeu du chat et de la souris, auquel le léopard est infiniment plus habile que le sanglier. Là où le premier ruse, pousse d’une patte légère ou feint de dormir, le second n’a qu’une stratégie, foncer. Trois fois Tshisekedi sera nommé Premier ministre par son vieux rival; trois fois, l’exercice tourne court. Premier ministre surtout d’août 1992 à février 1993. Et d’avril à mai 1997, à la veille de la fuite de Mobutu devant les armées coalisées des pays voisins, alliés à Laurent Kabila.

LA COMEDIE DE L’OPPOSITION FANTOME
AU NOM D‘UN UDPS DEVENU PARTI ETHNIQUE

En février 1998, Etienne Tshisekedi est arrêté par Laurent Kabila pour avoir voulu organiser une manifestation. L’ère Kabila va-t-elle relancer la roue du destin pour le Kasaïen? « Non. Comme si la mort de Mobutu lui avait enlevé sa rage de vaincre, Tshisekedi interprète, désormais, le rôle de Tshisekedi. Il joue au Premier ministre », dit encore l’AFP – puis, après les élections perdues de 2011, « au Président – dans sa parcelle de la rue des Pétunias, à Kinshasa, recevant des envoyés parmi des militants UDPS jouant au protocole d’Etat ».

L’AFP dresse un réquisitoire impitoyable de la décomposition de l’UDPS : « Loin de la rue des Pétunias, le grand parti qu’avait construit la fermeté de Tshisekedi face au Léopard s’est effrité. Parce que le chef est plus obstiné que résolu. Parce que ses choix fédéralistes kasaïens sont devenus un ethnisme luba qui vide peu à peu l’UDPS de ses membres non lubas. Parce que quand les Lubas du Kasaï, en 1992, sont victimes de pogroms au Katanga, après avoir fêté avec morgue la nomination de leur héros au poste de Premier ministre, celui-ci ne lève pas le petit doigt pour les aider: “Je n’interviens pas, pour éviter d’être accusé par les autres Zaïrois d’être intervenu dans le dossier de mes frères”, justifiera-t-il. Parce que le “leader maximo” ne quitte la capitale congolaise que pour aller se faire soigner – des mois, des années durant – en Afrique du Sud et en Belgique. Parce que le culte, parfois délirant, de sa personne finit par lasser les plus fidèles, tout comme sa paresse proverbiale, son autoritarisme (il faudra attendre 28 ans le premier congrès de l’UDPS) et les décisions erratiques qu’il impose au parti. »

Et la chute est interminable : « Ainsi, en 2006, il commet l’erreur stratégique de ne pas participer aux élections pluralistes organisées sous la surveillance de la communauté internationale; l’UDPS sera donc absente du parlement. Il participe à celles de 2011 après s’être proclamé “Président” avant même le scrutin et avoir refusé toute concertation avec le reste de l’opposition sur une candidature unique: “Je n’ai pas lutté pendant 30 ans pour laisser ma place à un autre (…) S’il y a quelqu’un d’autre qui veut que ce soit sa candidature qui passe, cela ne peut pas se faire”. » Ce fut le dernier tour de piste de Tshisekedi, qui se replie sur sa famille, désormais toute puissante et soupçonnée de rédiger sous son nom les communiqués de la présidence du parti, alors que dissidences et excommunications achèvent d’assécher ce dernier.

UNE FIN SANS GLOIRE COMME MARIONNETTE DES OCCIDENTAUX

“Le Vieux” a cessé d’être l’homme providentiel lorsqu’il réussit inopinément, en juin 2016, à se remettre en selle : le “conclave” de l’opposition, à Genval – réputé financé par le milliardaire Katebe Katoto, grand frère de Moïse Katumbi, l’ex-gouverneur du Katanga passé à l’opposition et seul rival de Tshisekedi – le nomme président d’un Rassemblement d’opposition qui doit conduire la lutte contre la prolongation du dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila.

L’UDPS SOLUBLE DANS LE NEPOTISME ET L’AVIDITE DES TSISEKEDI

Mais si une partie de l’opposition – celle que contrôle les occidentaux – s’est unie derrière son panache blanc, la monture du “Vieux” n’avance pas : la majorité présidentielle a raison des manifestations et Kabila est prolongé pour un an. Et une autre opposition – patriotique, avec notamment un ex UDPS qui refuse le jeu occidental, Badibanga – négocie avec le président Kabila. « Les négociations montrent une famille Tshisekedi âpre au gain, réclamant la présidence du Comité de suivi de la transition pour Etienne et le poste de Premier ministre pour son fils, Félix. Trop c’est trop, même pour le “Vieux”, qui a présumé de ses forces » commente l’AFP.

Avant même la fin des négociations – et n’étant plus apparu en public depuis six semaines – Etienne Tshisekedi est emmené pour “un check up” médical à Bruxelles par avion privé le 24 janvier. C’est la fin du parcours …

LM / PANAFRICOM / CONFIDENTIEL AFRIQUE
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CONFIDENTIEL AFRIQUE et sa publication-sœur anglophone CONFIDENTIAL AFRICA sont une nouvelle série de dépêches d’actualité panafricaine éditée par le géopoliticien Luc MICHEL pour le groupe multimedia de PANAFRICOM et PANAFRICOM-TV : nous vous disons tout dans une optique panafricaniste (opposée aux médiamensonges des médias occidentaux et de leurs clones « africains ») sur le dessous des cartes de événements qui secouent le continent africain, hélas en pleine déstabilisation …

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