Le gouvernement du Burundi tenait ce vendredi 25 mars sa première conférence publique de 2016. Les porte-paroles des différents ministères et institutions nationales s’étaient rassemblés à Muramvya, pour trois heures de questions toutes liées aux sujets chauds de politique, sécurité et économique du moment.
Actualité oblige, les journalistes et simples citoyens burundais sont longuement revenus sur l’assassinat du Lieutenant-Colonel Darius Ikurakure, commandant du Bataillon de génie des combats tué dans les enceintes de l’État-Major général des armées le 22 mars dernier.
Un assassinat suivi d’un autre, le soir même, avec la mort de Major Didier Muhimpundu, toujours à Bujumbura. Signe de division de l’armée, puisque le premier était issu de la rébellion, alors que le second venait de l’ancienne armée régulière ?
Le porte-parole de la FDN indiquera plutôt que tout est sous contrôle: « Vous devez noter qu’il n’y a pas de lien entre la mort de Darius, tué par un criminel en tenue militaire qui lui a tiré dessus à bout portant, alors que Didier a été tué par un inconnu avec lequel il s’entretenait plutôt par téléphone. Il y a des gens qui rêvent de semer la division au sein des institutions nationales, dont l’armée. Mais leurs tentatives sont vouées à l’échec. »
Quand au porte-parole de la Police, il a rappelé que 2016 était une année de recouvrement de la sécurité, et que la police allait procéder à de nouveaux recrutements dans les prochains mois.
Concernant les derniers aveux des jeunes issus des rangs des groupes armés qui sévissaient dans certains quartiers de Bujumbura, Pierre Nkurunkiye a indiqué que leurs propos ne blanchissaient pas pour autant les premières personnes arrêtées dans le cadre des recherches sur la mort des sœurs de Kamenge: « Les enquêtes vont continuer, et nous allons déterminer la responsabilité de chacun. »
Autre sujet longuement abordé : le dialogue inter-burundais, qui piétine pour de nombreux intervenants. Le porte-parole du gouvernement a été très clair : « Il n’y aura pas de dialogue avec des auteurs d’actes de violence et de terrorisme, conformément à la résolution 2248 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Attendre une maman qui vient voir son malade et lui jeter une grenade, comme on l’a vu à l’Hôpital Militaire: est-ce vraiment un moyen sensé pour réclamer sa place au dialogue? Nous le voyons en Belgique: il y a une autre manière de répondre au terrorisme. »
Par ailleurs, « ce dialogue concerne tous les Burundais, qu’ils soient sur le sol national ou à l’étranger. Ce n’est parce qu’on est en Belgique ou qu’on fait plus de bruit qu’on a plus de légitimité à y participer par rapport aux autres citoyens. »
Pour ceux qui pensent que le dialogue inter-burundais se fera sous forme de négociations, Philippe Nzobonariba a martelé qu’ils se trompent: « Il y a eu des négociations dans les années 2000 parce qu’il n’y avait plus de pouvoir élu par le peuple. Tout politicien qui parvenait à mobiliser des gens se présentait et disait, ‘Je veux participer à la transition’, et on le casait dans les institutions. Ce qui est très différent de la situation actuelle, où on a des institutions élues, de la base jusqu’au sommet. »
Au chapitre des relations avec le Rwanda, Nzobonariba a souligné que « la vérité est maintenant connue. Le monde sait que des enfants burundais ont été entraînés par l’armée rwandaise, que le Rwanda soutenait la tentative de putsch en mai 2015, puisqu’il héberge ses auteurs et acteurs. » Normal donc, pour le porte-parole du gouvernement, que la population burundaise manifeste son mécontentement face à un voisin belliqueux. « Mais, tempère le Secrétaire général du gouvernement, ce n’est pas le peuple rwandais qui pose problème. C’est son leadership. Sinon, des Rwandais viennent chaque jour à Bujumbura pour leurs achats et visites, et rentrent en toute tranquillité. »
C’est pourquoi donc le gouvernement burundais est décidé à décrier les manœuvres des autorités rwandaises dans la déstabilisation du Burundi, comme le rappelait le ministre des Relations Extérieures devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
« Armer de jeunes réfugiés pour déstabiliser un pays voisin est un crime qui dépasse les compétences judiciaires locales. Nous avons porté notre plainte devant la CIRGL, le Conseil de Sécurité, et nous continuerons à dénoncer ces actes d’hostilité jusqu’à ce qu’elles cessent, et que leurs auteurs en rendent compte. »
Parmi les autres sujets abordés, il a été question du fonctionnement du bureau de l’Ombudsman, en l’absence de ce dernier pour des raisons de santé. Le porte-parole de l’institution a tranquillisé, signalant que Cheikh Muhamed Ruhara se portait mieux, et qu’il comptait rentrer au Burundi fin mai. Pour le reste, « l’institution fonctionne normalement. »
Autre institution qui suscite des doutes: la CNTB. La presse s’est fait écho des inquiétudes sur des dysfonctionnements suite au départ de Mgr Sérapion Bambonanire, ce que réfute catégoriquement le porte-parole de la Commission : « La CNTB fonctionne comme une institution nationale avec un relais dans l’action. Pas comme un organe d’un individu. Nous avons attendu que la période électorale passe, et que l’administration à la base soit pleinement opérationnelle pour reprendre le travail. » Pour Dieudonné Mbonimpa, « la seule différence du travail de la CVR entre avant et maintenant, c’est que les gens ont compris qu’il ne sert à rien de résister, et que l’arrangement à l’amiable est la plus préférable. »
L’éducation a aussi été un sujet abordé lors de la conférence de presse, principalement l’école fondamentale. Les inquiétudes portaient notamment sur la fusion des classes de 9ème et 10ème pour l’année prochaine, et l’introduction de nouvelles sections au cycle supérieur, dont les Sciences Sociales et Humaines, ainsi que la révision de la section Scientifique.
Au niveau de la santé, le porte-parole du ministère de tutelle a aussi souligné que « la Banque Mondiale s’est engagée à financer les politiques nationales dans le domaine de la santé pour 2016. »
(Source : ikiriho.org, mars 2016)