2023 05 20
Syrie/Arabie:
une nouvelle ère dans la région ( Débat )
Le président syrien s’est rendu jeudi 3 mai, en Arabie saoudite pour participer à la réunion des dirigeants de la Ligue arabe sur invitation du roi Salmane ben Abdelaziz. La participation d’Assad à cette réunion est une première après plus d’une décennie de guerre, de sanctions et d’isolement de la Syrie.
Arnaud Develay, juriste international et Luc Michel, géopoliticien, s’expriment sur ce sujet.
La Syrie de Bachar El-Assad réintègre la Ligue arabe
La normalisation des relations entre la Syrie et les pays arabes s’est accélérée dimanche avec la décision de la Ligue arabe de réintégrer dans ses rangs le régime de Bachar El-Assad, expulsé en 2011 après la répression sanglante du mouvement pro démocratie.
REUNION EXTRAODINAIRE DE LA LIGUE ARABE, LE 7 MAI 2023 AU CAIRE
La décision, prise à l’unanimité lors d’une réunion au Caire des ministres arabes des Affaires étrangères, constitue “une preuve supplémentaire du réchauffement des relations entre Damas et les autres gouvernements arabes”, observe la BBC.
Elle intervient sur fond d’élan de solidarité mondial après le séisme dévastateur du 6 février en Syrie et en Turquie, et dans la foulée du “rétablissement, sous l’égide de la Chine, des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui soutenaient les camps opposés dans le conflit syrien”, souligne Al-Jazeera.
La chaîne qatarie rappelle que “l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe avait été révoquée après la décision du président Bachar El-Assad de réprimer les manifestations [pro démocratie] en mars 2011.
À l’époque, la décision de l’organisation panarabe “avait été perçue comme une condamnation essentielle d’un régime” qui n’avait pas hésité à “bombarder, gazer et torturer” ses propres citoyens, remarque The New York Times. “Aujourd’hui, la région normalise ses relations [avec Damas], de plus en plus convaincue que les pays arabes n’ont rien à gagner à isoler la Syrie”.
RETOUR “TRIOMPHAL” DE LA SYRIE SUR LA SCENE DIPLOMATIQUE
Pour les tenants du rapprochement, “refuser de parler avec Damas” revient à nier une réalité incontournable : Bachar El-Assad “a gagné la guerre”, ajoute le quotidien américain, qui s’attend au retour “triomphal” de la Syrie lors du sommet annuel des chefs d’États de la Ligue arabe, le 19 mai prochain à Jeddah.
La Ligue arabe justifie également sa décision par la nécessité de “résoudre la crise provoquée par la guerre civile en Syrie, notamment la fuite des réfugiés vers les pays voisins et le trafic de drogue”, qui s’étend désormais à toute la région, note Middle East Eye.
Dans un entretien à Al-Jazeera, le secrétaire général adjoint de l’organisation panarabe, Hossam Zaki, soutient notamment que “la crise syrienne a eu des effets très négatifs sur les pays voisins. La région dans son ensemble, et plus spécialement les pays arabes, considère qu’une solution doit être trouvée. C’est pourquoi nous en sommes arrivés à ce point”.
L’organisation a pris soin de souligner que sa décision n’entraînait pas le rétablissement automatique des relations diplomatiques entre Damas et le reste des capitales arabes – ce choix revenant aux pays concernés. De fait, le Qatar – qui s’est rallié à la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe – a réaffirmé dimanche qu’il n’avait aucune intention de normaliser ses relations avec Bachar El-Assad.
Le retour de la Syrie dans la Ligue arabe n’en reste pas moins une victoire diplomatique pour Damas, qui a réagi en appelant à la “coopération arabe” et à “une approche arabe efficace et constructive, basée sur le dialogue, le respect mutuel et les intérêts arabes communs”, selon Arab News.
“REALPOLITIK”
Les mouvements d’opposition et les défenseurs des droits humains, en revanche, n’ont pas caché leur colère. Dans les colonnes du Financial Times, la directrice de l’organisation The Syria Campaign, Laila Kiki, qualifie la décision de la Ligue arabe de “recul catastrophique pour la justice et les droits humains en Syrie et dans toute la région”.
“Aujourd’hui, les pays arabes ont placé leur realpolitik cynique et leurs objectifs diplomatiques au-dessus des principes d’humanité les plus basiques”, poursuit-elle.
Les États-Unis, farouches partisans de l’isolement de la Syrie et de son président, ont quant à eux fait part de “leur scepticisme envers l’efficacité” de l’approche de la Ligue arabe, tout en assurant avoir les mêmes objectifs à long terme – la résolution de la crise syrienne.
Mais pour The Wall Street Journal, la décision de la Ligue arabe “représente un rejet des intérêts américains dans la région, et prouve que les pays du Moyen-Orient forgent des politiques indépendantes des préoccupations occidentales”.
Washington et ses alliés “ont déclaré qu’ils ne lèveraient les sanctions contre Damas que si M. El-Assad acceptait de négocier un partage du pouvoir avec ses opposants et organisait des élections libres”, poursuit le quotidien économique. Mais le président syrien “n’a montré aucun intérêt à mettre en œuvre un changement politique, et la Ligue arabe n’a exigé aucune réforme politique en échange de la réintégration de la Syrie”.
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